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Au cœur de la géographie tourmentée du massif du Djurdjura, le Rocher de la prière du mont Azro Nethor qui culmine à 1.884 mètres d'altitude.

A son sommet, au bout d'un éreintant chemin abrupt et rocheux, est posée El-Jammaa Oufella (La mosquée d'en haut en kabyle), minuscule lieu de prière dépourvu de tout confort, aux murs blancs creusés de niches où brûlent des cierges, mais qui n'abrite pas de tombes.

Venues de toute la Kabylie, mais aussi d'Alger, des milliers de personnes s'y succèdent trois vendredis de suite sous un soleil écrasant, pour l'accomplissement d'un pèlerinage annuel qui tient à la fois de croyances maraboutiques et d'un rituel païen.

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Azro Nethor tient son nom d'une légende colportée de bouche à oreille depuis des siècles.

Un vieux bienfaiteur qui avait atteint le pic au moment pile où le soleil se trouvait à son zénith, mourut sur le lieu en achevant sa prière. Supposé avoir reçu la baraka divine, ce personnage n'a jamais cessé de faire des apparitions dans les villages voisins. Sa bénédiction -selon la croyance- sauva de la peine de nombreux habitants et même un plat de couscous qui dévala du haut du mont sans se casser et sans qu'un seul grain ne se perdit...

Depuis, un couscous géant est offert à chaque pèlerinage et des dizaines de moutons sont sacrifiés. Les pèlerins se rafraîchissent à l'eau d'une source à laquelle on prête des vertus purificatrices.

Au pied du mont, à l'abri d'une tente, des marabouts offrent des notes d'espoir à qui vient les solliciter. Des couples, des jeunes filles, des enfants baissent la tête sous un morceau d'étoffe pour entendre une prière. "L'année prochaine, tu reviendras ici au bras d'un mari, et dans deux ans avec un enfant", promet le marabout à une jeune fille dont le visage ressort illuminé par un sourire.

"Je viens ici depuis que j'ai 20 ans", raconte une septuagénaire, arrivée de Larbaa N'ath Irahen (wilaya de Tizi-ouzou), à une cinquantaine de kilomètres de là. "La première fois, j'ai prié pour avoir un mari, ensuite pour avoir des enfants. Et après pour la paix," dit-elle. "Les saints ont entendu mes prières qui ont toutes été exaucées, c'est pour cela que j'y viens toujours", poursuit-elle.

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D'autant que les femmes sont les plus nombreuses à accomplir l'ascension de ce mont; la nouvelle génération qui croit moins aux histoires des marabout qui entourent Azro Nethor; y voit un autre avantage... "Aujourd'hui, nous venons aussi en quête d'une jolie rencontre", conclut un jeune.

Mohamed A., médecin de 62 ans explique ainsi qu'il s'était rendu il y a trois ans avec sa vieille mère malade, privée de nouvelles d'un enfant vivant en Italie. Le fils est arrivé quelques jours après la supplique de l'octogénaire. Mais en réalité, c’était le médecin qui avait supplié son jeune frère d'accomplir le voyage.

"Ma mère est morte soulagée, persuadée que son cri était parvenu jusqu'en Italie", raconte-t-il, étranglé par l'émotion.