Sa déclaration, relativement ramassée, est rédigée dans un style alambiqué qui rend quelque peu difficile le décodage des messages. Pourquoi une telle sortie, ici et maintenant, après des années d’abstinence médiatique de la part du chef de file des “réformateurs”, étant entendu que le choix du timing en politique n’est jamais fortuit ? A priori, cette question trouverait sa réponse dans le contexte politique actuel, où l’on assiste à une guerre sans merci entre deux clans, en filigrane de la présidentielle du 17 avril. Mouloud Hamrouche qualifie, d’ailleurs, ces moments de “sensibles” pour le pays en ce sens qu’ils vont, selon lui, “conditionner son avenir immédiat”.

La présidentielle, sur laquelle il s’est bien gardé de se prononcer, ne constituerait qu’une contingence avec ou sans la participation de Bouteflika, et que pour lui l’enjeu est ailleurs : dans “l’arrivée de nouvelles générations aux responsabilités”.

mouloud-hamrouche-2014.gifFaut-il en déduire que Bouteflika et toute la gérontocratie régnante aient décidé de passer la main ? Cela étant, il met en avant les facteurs de “cohésion”, de “sérénité” et de “discipline légale” pour la tenue de ces échéances. Sur ce registre, l’ex-concurrent (parmi les quatre autres) de Bouteflika à la présidentielle de 1999 fait indirectement un procès de ce dernier. Et cela en considérant qu’il “est primordial que les différents intérêts de groupes, de régions et de minorités soient préservés et garantis”. En estimant aussi “impératif que l’État préserve tous les droits et garantisse l’exercice de toutes les libertés”.

Mais les passages les plus significatifs de la déclaration sont dédiés à la “Grande muette” à laquelle il confère un statut de sauveur de la nation au moment où, justement, elle est la cible de charges récurrentes, de la part des proches du Président, à travers Saâdani. Il souligne à l’interrogatif : “Faut-il rappeler, ici et maintenant, que la renaissance de notre identité algérienne et le projet national ont été cristallisés, abrités, défendus successivement par l’Armée de libération nationale, puis l’Armée nationale populaire.” Et si l’Armée a pu assumer ainsi ses missions historiques de défense de la nation, c’est grâce “aux hommes qui ont su trouver des compromis et élaborer des consensus”.

Compromis et consensus : deux mots-clés. Mouloud Hamrouche plaide visiblement pour un nouveau compromis politique avec de nouveaux hommes. “Ces hommes, qui ont su préserver l’unité des rangs, la discipline et transcender tout clivage culturel, tribal, régional et préservant l’identité et le projet national”, écrit-il.

Se veut-il homme de ce nouveau compromis ? Fait-il donc une offre de service ? La question est à poser surtout que dans le paragraphe suivant, il invoque “la promesse de continuer la réforme”, sachant que dans le paysage politique national, il est estampillé “homme des réformes”.

Dans ce qui semble, par ailleurs, être un procès contre le mode de gouvernance autocratique actuel, marqué par le fait du prince, l’auteur de la déclaration note que “nos constituants sociaux ne peuvent s’accommoder de pouvoirs souverains sans contre-pouvoir. Il ne peut y avoir d’exercice d’un pouvoir d’autorité ou de mission sans habilitation de la loi et sans contrôle”. Il y va, selon lui, de “l’intérêt et de la sécurité de l’Algérie”.

Avec un État reconfiguré où chaque institution se limiterait à ses prérogatives constitutionnelles, “l’Armée populaire nationale assurera sa mission plus aisément et efficacement”, dit-il, suggérant ainsi de soustraire la “Grande muette” aux enjeux claniques.

Mouloud Hamrouche conclut sa déclaration rappelant que “chaque crise a ses victimes et ses opportunités”. Soit. Mais une dernière question : pourquoi “Si Mouloud” a-t-il attendu ce jour du 17 février 2013 pour les asséner ? Les lignes ont-elles bougé ?