"L'Algérie n'est ni la Tunisie, ni le Maroc, ni l'Egypte. Nous avons notre propre histoire politique où l'islamisme est une partie essentielle du paysage politique. D'ailleurs, il y a au moins un parti islamiste qui partage le pouvoir avec le régime. C'est le cas du Mouvement de la Société pour la Paix (MSP), depuis 1995 et d' Ennahda depuis 1999. Ainsi, l'islamisme est une partie intégrante des institutions, que ce soit au niveau local, régional ou parlementaire", a indiqué M'hand Berkouk, directeur du Centre algérien de recherches stratégiques et sécuritaires (CRSS).

Alliance de l'Algérie verte
A propos leurs chances de l'emporter aux prochaines législatives, Berkouk a estimé qu'elles "sont moins que l'on pourrait penser, car ils contestent la cible de vote même". En ce qui concerne la menace que pourrait représenter le courant islamiste, Barkouk soutient que les Algériens, "devenus très lasses de l'islamisme", ne le regardent pas comme "un phénomène de société" mais plutôt comme "un programme politique".

En 1991, le Front islamique du salut (FIS, parti dissous), devenu populaire après avoir remporté les élections locales, a réussi à sortir vainqueur au premier tour des élections législatives, avec 48% de l'ensemble du suffrage. Pourtant, vu le programme du parti de créer un Etat islamique régi par la charia, l'armée a décidé d'annuler le processus électoral et d'empêcher le parti d'arriver au parlement, provoquant ainsi une décennie de guerre civile qui a fait quelques 250.000 morts.

Depuis la fin de la guerre civile, les islamistes algériens ambitionnent de redorer leur blason. Pour ce faire, ceux qui restent sur la scène politiques optent pour une rupture avec le passé "radical" pour donner une image de partis "modérés".

"Historiquement parlant, les Algériens, ont toujours voté pour des partis islamistes. Lors des précédentes joutes électorales, nous avons constaté que les électeurs algériens sont attirés par le discours religieux", a indiqué l'analyste politique Hamid Ghoumrassa.

"Le régime constate que la décennie noire a terni l'image des islamistes. En contre partie, les islamistes se défendent en disant que le régime a intentionnellement fait l'amalgame entre l'islamisme et le terrorisme. Or, les islamistes se présentent comme démocrates dans leur pratique politique et respectueux de l'alternance pacifique au pouvoir, tel est le message des islamisme dans une tentative d'ôter l'épouvantail de l'islamisme et attirer davantage d'électeurs", a fait remarquer l'analyste.

A en croire le président du Mouvement pour la Justice et le Développement (FJD, islamiste), Abdellah Djaballah, qui est un fervent opposant à islamiste depuis les années soixante-dix, les élections en Algérie ont toujours été en faveur des islamistes. "J'ai eu des informations précises que les islamistes ont toujours remporté les élections en Algérie si les élections n'ont pas été trucquées", a-t-il dit.

Début mars, une alliance islamiste baptisée Alliance de l'Algérie verte (AVV) a été créée entre le Mouvement pour la Société de la Paix (MSP), Ennahda (Renaissance) et El-Islah (Réforme). Une démarche visant à remporter la majorité dans la prochain course de députation, à l'exemple de la victoire des islamistes en Tunisie, l'Egypte et le Maroc.

"Nous obtiendrons la majorité des voix lors des prochaines élections(...) La force de proposition et de mobilisation de l'Algérie verte ont fait d' elle la plus importante formation politique du pays", a affirmé Kamel Mida, chargé de communication de l'AVV.

A la question de savoir si les islamistes ne représentent pas de menace sur la stabilité du pays en appliquant la charia au cas où ils arriveraient au pouvoir, ce responsable a répondu que la question ne se pose plus pour les Algériens. "Nous n' allons pas exclure d' autres tendances politiques si nous arriverons au pouvoir", a indiqué M. Mida, soulignant que la vision de l'alliance est basée sur la tolérance et l'alternance au pouvoir.

Il a par ailleurs reconnu que la percée des islamistes dans les pays du Maghreb et en Egypte à l'issue du "Printemps arabe" a donné "un petit coup de pouce" à la mouvance islamiste en Algérie.

Pour sa part, le politologue algérien Bachir Medjahed a estimé que les islamistes "ont compris qu' ils ne doivent pas jouer avec la fibre islamique, parce que cela a plongé le pays dans dix années de sang et de feu".

Pour l'expert, même si les formations politiques de tendance islamiste disent que l' instauration d' un Etat islamique n' est pas leur objectif, "il faudrait que les autorités veillent au strict respect des lois de la République et que la population reste vigilante".