SonatrachLe câble, intitulé «Sonatrach goes global» (Sonatrach devient mondiale), synthétise et analyse ainsi les déclarations d’officiels algériens du secteur de l’énergie, cite également des «contacts» au sein d’institutions du secteur de l’énergie et aussi un «journaliste », pour enfin conclure, dans son commentaire, que Bouteflika l’instrumentalise à des desseins diplomatiques. Avant d’énumérer les investissements opérés par Sonatrach à l’étranger, le rédacteur du câble fait cette précision : «Sonatrach exige, pour avoir des contrats en Algérie, aux compagnies étrangères d’aider Sonatrach à prendre des participations dans des projets à l’étranger. Le 27 juillet 2007, Chakib Khelil a déclaré que le partenariat entre Sonatrach et Gaz de France est mis de côté justement parce que les Français n’ont pas formulé des propositions qui pourraient contribuer au développement de Sonatrach à l’étranger

Beaucoup d’investissements à l’étranger
En 2005, Sonatrach a remporté la licence d’un bloc d’exploration en Libye et s’est engagée à investir 13 millions USD sur cinq ans, et un autre contrat pour 29,5 millions USD sur 12 ans au Niger. Une année avant, elle a décroché une autre licence d’exploration au Oman Sahel Rawel pour 50 millions USD. Le câble, citant cette fois un contact de l’ambassade dans le secteur de l’énergie, revient sur la prise de participation par Sonatrach dans le projet de développement de gaz au Pérou Camisea : «10 % en plus des 21 % obtenus en 2003 lorsque Chakib Khelil officiait à la Banque mondiale et était alors le chef du même projet » : le câble cite une dizaine d’autres projets de l’offshore en Egypte, en partenariat avec le norvégien Statoil, au Mali avec l’italien Eni… En plus de ces projets Aval, Sonatrach a pris d’autres participations dans le transport, à l’instar du gazoduc transsaharien liant le Nigeria au port de Béni Saf et des deux gazoducs traversant la Méditerranée. La compagnie a également annoncé un projet de stockage des huiles en Corée du Sud pour renforcer sa position sur les marchés asiatiques en plus d’une joint-venture avec British Petroleum (BP) pour un terminal de GNL à l’île britannique de Grain, en Espagne, et une autre joint-venture avec l’allemand BASF pour prendre des participations dans une usine pétrochimique espagnole. Des parts dans les terminaux de GNL en Indonésie et aussi dans le distributeur tunisien d’huile la SNDPAGIL. «Depuis que Khelil a pris les rênes de Sonatrach et particulièrement depuis le début du deuxième mandat du président Bouteflika, la compagnie a développé des projets d’exploration à l’étranger mais ça n’a jamais suscité autant de confusion comme lors des toutes dernières transactions», avance le diplomate.

Sonatrach, un instrument aux mains de la diplomatie de Bouteflika
Sonatrach, note le mémo, a même dépassé «ses limites traditionnelles» d’une compagnie d’énergie et s’est «aventurée» dans d’autres domaines d’activité comme le transport aérien par l’acquisition d’une compagnie aérienne, Tassili Airlines en l’occurrence. «Le lancement d’une société de télécommunications en fibre optique comme ses intentions de lancer une station de télévision spécialisée dans le domaine de l’énergie sont un changement marqué», souligne le diplomate. Le câble parle aussi de troc. Faisant référence à un journaliste algérien chargé du secteur de l’énergie, l’«obtention par le portugais Energias du marché de construction de centrales électriques en Algérie était en échange du gaz et de la fourniture d’électricité au Portugal». Bref, conclut le diplomate, citant cette fois-ci un ancien P-dg de Sonatrach, «les efforts faits par l’entreprise pour se mouler dans un conglomérat mondial de l’énergie relèvent d’une directive du président Bouteflika». Chose qu’il interprète par «la volonté de ce dernier à améliorer sa cote en interne, tout en renforçant le rôle de l’Algérie sur la scène internationale». Or, commente-t-il, Sonatrach était toujours «un Etat dans l’Etat» et constitue ainsi le «meilleur exemple pour montrer aux Algériens de plus en plus mécontents que le gouvernement est en mesure d’apporter de l’eau propre, d’améliorer les transports et développer les télécommunications ». Et surtout «ces projets de Sonatrach à l’étranger, en Afrique pour la plupart, créditent Bouteflika, aspirant à jouer un rôle prépondérant dans le développement du continent, comme la force motrice du Nepad, l’un de ses projets de prédilection».

Snober l’offre de Gaz de France console les Algériens
Le diplomate américain n’a pas manqué d’éloges à l’égard de la compagnie nationale la qualifiant d’opérateur internationalement reconnu et respecté. «Une directrice des finances d’un projet de l’Overseas Private Investment Corporation (agence étasunienne ayant contribué au financement de la station de dessalement d’eau de Hamma, dans la baie d’Alger, ndlr) nous a dit que Sonatrach est la seule agence gouvernementale algérienne ayant la capacité technique, la plus familière des financements internationaux et la plus transparente dans la gestion de projets à plusieurs millions USD», rapporte le diplomate. Il a néanmoins présagé des dérapages. «Une telle expansion ne va pas sans risques. Snober l’offre de Gaz de France console à court terme les Algériens dans ce contexte où le président Sarkozy fait des efforts afin de passer outre la repentance de la France de ses crimes coloniaux, mais, les efforts de Sonatrach visant à porter un gros bâton à ses acheteurs européens devront être contraints à la nature symbiotique du négoce du gaz en développement. «Sonatrach devient de plus en plus sensible aux fly-by-night investments (investissements suspects, ndlr) car elle s’éloigne de ses métiers de base. Avec le peu d’expérience qu’elle a dans l’exploration offshore, par exemple, Sonatrach pourrait bientôt se retrouver bien au-delà de sa profondeur dans des projets basés à l’étranger. Et sans actionnaires exigeant une certaine responsabilité contre de tels risques, comme c’est le cas de Petronas en Malaisie ou le norvégien Statoil, Sonatrach verra se reproduire une autre affaire Brown Root Condor dont les employés d’une filiale de Sonatrach ont pillé des millions dans le cadre de projets nationaux d’infrastructures », explique une avocate citée dans le câble, laquelle conseille des opérateurs énergétiques étrangers dans leurs opérations en Algérie.