Sarah BenkiraneSarah Benkirane a appris la semaine dernière qu'elle n'a plus d'emploi d'été. L'adolescente de 15 ans qui porte le voile depuis trois ans a été congédiée de son poste d'arbitre au football parce qu'elle porte le hijab. «Je ne comprends pas. J'arbitre avec le voile depuis deux ans, je ne sais pas pourquoi on m'enlève mon travail maintenant et pas avant», se demande-t-elle.

L'employeur de Sarah Benkirane, l'Association régionale de football du Lac Saint-Louis (Montréal), confirme avoir reçu une plainte dénonçant le fait que la jeune arbitre porte le voile sur les terrains de football.

Son directeur général, Saint-Lô justifie le congédiement de l'adolescente en s'appuyant sur la position de la Fédération inter nationale de football association (FIFA). «Nous, on applique les règles de la FIFA. Tout ce qui n'a rien à voir avec l'uniforme de football est interdit, tranche-t-il. Les arbitres ont le droit à une montre ou un chronomètre. Pour le reste, les bijoux, le hijab ou tout autre symbole à connotation religieuse, ça n'a pas sa place au football», a-t-il expliqué.

Comment justifier que cette règle s'applique seulement maintenant, deux ans après l'embauche de l'adolescente ?

Monsieur Saint-Lô affirme avoir été prévenu seulement la semaine dernière qu'une employée de son association arbitrait en portant le voile islamique. «Je suis administrateur, je ne suis pas sur le terrain, je ne pouvais pas le savoir», se défend-il.

Convictions religieuses
Pour Sarah Benkirane, cette décision demeure incompréhensible : «Je ne suis pas un danger pour les joueurs, mon voile est coincé sous mon chandail et je n'entre jamais en contact avec eux.» Le père de l'adolescente est d'origine marocaine et est établi au Canada depuis 26 ans. Sarah porte le voile depuis l'âge de 12 ans par conviction religieuse et soutient n'avoir subi aucune pression familiale. «C'était ma décision. Ma mère est canadienne et ne porte pas le voile. Mes parents se sont inquiétés quand j'ai choisi de porter le hijab, ils avaient peur que j'aie du mal à me trouver du travail», affirme la jeune femme qui pratique d'autres sports, dont le curling et l'athlétisme. «Dans les autres disciplines, personne ne me fait de problème avec le voile», souligne- t-elle.

«Injuste», dit sa mère
C'est la mère de l'adolescente qui a eu la difficile tâche d'annoncer à sa fille qu'elle avait perdu son emploi. «Elle le savait depuis mardi dernier, mais elle a attendu à vendredi pour me l'annoncer pour ne pas me perturber dans mes examens à l'école», raconte Sarah. Susan Berthiaume appuie la démarche de sa fille. «Je comprends les réactions face au voile, chacun a droit à ses opinions, mais congédier ma fille après deux ans, c'est injuste», juge-t-elle.

Sarah a l'intention de contester son congédiement. «Je vais écrire aux associations de football et à la FIFA. Je ne fais de mal à personne, je pratique ma religion et je le fais à visage découvert», lance-telle.

La Fédération de football du Québec affirme appliquer les mêmes règles que la FIFA en ce qui concerne le port du voile islamique. Son président Dino Madonis a réitéré cette position lors d'un point de presse en réaction au congédiement de Sarah Benkirane. «Pourquoi on permettrait le hijab alors qu'il est interdit en Coupe du monde ou dans toutes les compétitions internationales ?» se défend-il. L'adolescente a probablement pu arbitrer en portant le voile parce qu'il s'agissait de football de niveau local, a-t-il avancé.

Pour la FIFA, football et religion ne font pas bon ménage. Selon le règlement 4 de la fédération, il est interdit aux joueurs, arbitres, et dirigeants de football d'afficher de façon ostentatoire une préférence politique ou religieuse et ce, sous n'importe quelle forme.

Ainsi, en avril 2010, la FIFA avait interdit aux joueuses juniors de football iraniennes de participer aux Jeux olympiques de la jeunesse parce qu'elles portaient le voile. Plus récemment, au début du mois, l'équipe féminine iranienne s'est également vu refuser l'accès au terrain lors d'une rencontre pour les qualifications des Jeux olympiques de 2012 face à la Jordanie. Encore une fois, la tenue non réglementaire des joueuses iraniennes qui portaient le voile n'a pas été jugée conforme aux règlements de la FIFA.

En février 2007, la Fédération de football du Québec avait refusé à une jeune fille de onze ans de porter le hijab au cours d'un tournoi de football intérieur à Laval (Nord-Ouest de Montréal). La Fédération avait appuyé sa décision en se basant sur les recommandations de la FIFA. À l'époque, cette histoire avait fait grand bruit partout au Canada.