La plupart des femmes qui accouchent dans l’anonymat sont victimes de viol ou sont des adolescentes sans défense séduites par des hommes plus âgés, a déclaré hier Me Benbrahem, lors d’une conférence tenue au Centre de presse d’ El Moudjahid. «Elles sont jeunes et ne connaissent pas les règles de la vie.» La situation est difficile sur tous les plans. Montrés du doigt, les enfants «nés sous X» sont rejetés et abandonnés. La société les méprise et n’est pas près de changer son regard sur eux. Souvent, ces enfants n’ont pas de filiation (donc pas d’identité, pas droit à l’héritage). Ils sont accusés alors qu’ils n’ont pas choisi de venir au monde. Sans nom, sans papiers, sans identité, ils n’ont pas de droits, le droit de vivre, d’hériter et de grandir normalement. Leur existence est un interminable combat. «Un enfant n’est jamais illégitime. C’est un innocent, un ange. Nous devons changer d’appellation», a lancé avec beaucoup d’émotion Mohamed Chérif Zerguine. Lui-même enfant abandonné, l’intervenant a écrit un essai sur ce sujet. Dans Pupille de l'Etat: l'appel d'un inconnu, il raconte son passé d'enfant recueilli et la quête de son identité. Les enfants nés hors mariage ne sont pas protégés juridiquement.

Enfant illégitimeLa démarche pour demander une filiation avec l’accord des parents «légitimes» bute aujourd’hui sur une réglementation qui est restée figée depuis l’indépendance du pays. «Nous avons eu le cas d’une universitaire qui a voulu porter le nom de son père. Cela s’est avéré impossible. Nous avons tout tenté, le père était d’accord, sa femme aussi, mais le juge a refusé. Ce qu’on nous a demandé était une aberration. Le père devait divorcer de sa femme et se marier avec son ex-compagne et la divorcer pour revenir à sa première épouse pour que sa demande de filiation soit acceptée», s’est écriée la juriste, expliquant que la situation est laissée à l’appréciation du juge. «L’article 40 du code de la famille doit changer. La personnalité de ces enfants est broyée. Ils n’ont pas de filiation, pas d’identité dans une société organisée. Qui sont-ils ? C’est un véritable problème pour eux. Une grande question qui les obsède toute leur vie», dit-elle.

D’autres articles de loi posent problème. Le cas de celui qui date de l’Algérie coloniale. Une mère qui accouchait sous X perdait tout droit sur son enfant si elle ne le récupèrerait pas au bout de trois mois. «Nous ne sommes quand même pas dans une caisse de dépôt d’objets perdus. Si cet article est abrogé, nous arriverons à régler les problèmes et les troubles de milliers de femmes et d’enfants. C’est une question cruciale», a ajouté Me Benbrahem, précisant que de nombreux articles de loi doivent être révisés pour sauver du néant ces citoyens à part entière.