Les États-Unis, par la voix du Département d'État, ont réagi en se disant « alarmés » de la violence employée par les forces de l'ordre syriennes contre des civils à Deraa en condamnant ces actions.

La France a appelé Damas à mettre en oeuvre sans délai des réformes politiques et de respecter les droits de l'homme.

Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a condamné la violence contre des « manifestants pacifiques ». M. Ban a également appelé à une enquête pour que les responsables répondent de leurs actes.

15 personnes tuées à DeraaSur place, les militants de droits de l'homme précisent que les forces de l'ordre ont tiré à balles réelles aux funérailles de deux personnes tuées plus tôt dans la journée lors d'affrontements devant la mosquée Omari. Ces affrontements ont fait de 4 à 6 morts, selon diverses sources. « Des balles ont été tirées alors que les parents des deux victimes et des manifestants rentraient de l'enterrement », a déclaré ce militant sous le couvert de l'anonymat. « Il y a eu des blessés », a-t-il dit. Les deux personnes enterrées étaient une jeune fille, Ibtissam Massalmeh, et un médecin, Ali Ghoussab Al-Mahamid. Selon Reuters, ce dernier est un médecin issu d'une famille réputée de Deraa, qui se rendait à la mosquée, dans l'ancienne ville, pour porter secours à des victimes de l'attaque.

Le régime accuse un « gang armé »
Les affrontements entre forces de sécurité et manifestants qui se sont produits tôt mercredi près de la mosquée Omari ont fait quatre morts, a reconnu mercredi l'agence officielle syrienne Sana. Selon des témoins et un militant des droits de l'homme interrogés par l'AFP, les affrontements ont fait, en plus des morts, des dizaines de blessés. Selon eux, les forces de l'ordre ont utilisé des balles réelles et des gaz lacrymogènes contre les manifestants. L'agence Reuters affirme que les protestataires, qui réclament notamment des libertés politiques et la fin de la corruption, avaient monté des tentes autour de la mosquée et annoncé leur intention de camper jusqu'à la satisfaction de leurs doléances.

L'agence officielle Sana a imputé ces plus récentes violences à un « gang armé qui a attaqué après minuit une équipe médicale dans une ambulance qui passait près de la mosquée Omari, tuant un médecin, un aide-soignant et le chauffeur ». « Les forces de l'ordre qui se trouvaient à proximité sont intervenues. Elles ont pu toucher par balle certains membres de la bande et en arrêter d'autres », ajoute Sana, qui précise qu'un membre des forces armées a aussi été tué. L'agence officielle indique que les bandes armées « ont emmagasiné des armes et des munitions dans la mosquée Omari », « utilisé comme bouclier humain des enfants qu'elles avaient kidnappés », et « terrifié la population en squattant des habitations proches de la mosquée, d'où elles tiraient sur les passants et les fidèles se rendant à la mosquée ». La télévision d'État a d'ailleurs montré des images d'armes, de munitions et de billets de banque syriens qui auraient été saisis dans la mosquée. « Les forces de l'ordre continueront de poursuivre les bandes armées qui terrifient la population en assassinant des civils et en volant et incendiant des biens publics et privés à Deraa », ajoute l'agence. Elles « poursuivent des membres de ce gang armé pour les déférer à la justice. »

15 personnes tuées à DeraaLes forces de l'ordre maintiennent une importante présence à Deraa mercredi, selon un journaliste d'Associated Press arrivé sur place. Ils ont érigé de nombreux barrages routiers dans la ville. Certains sont gérés par des soldats en uniforme de camouflage, d'autres par des agents habillés en civil. Des agents de l'unité antiterroriste vêtus en bleu circulent aussi dans les rues. La plupart des commerces de la ville sont fermés, et les rues sont pratiquement désertes. Des coups de feu peuvent être entendus depuis l'ancienne ville, où se trouve la mosquée Omari.

Cinq jours de manifestation
Deraa, à environ 100 km au sud de Damas, est depuis cinq jours le théâtre d'un mouvement de contestation contre le régime du président Bachar Al-Assad. De premières manifestations ont eu lieu dans les environs de la mosquée Omari, vendredi, jour de la prière. Ces manifestations se sont tenues malgré une loi d'urgence en vigueur en Syrie depuis 1963. Des groupes utilisant les réseaux sociaux appellent d'ailleurs à une nouvelle manifestation vendredi, journée proclamée « Jour de la dignité ». Le mouvement de contestation, qui aurait fait jusqu'ici de 11 à 13 victimes selon les sources, a pris de l'ampleur, après l'arrestation de 15 élèves qui avaient inscrit sur des murs des slogans appelant à la chute du régime. « La tension est latente, la situation est explosive », si des réformes substantielles ne sont pas appliquées, affirme l'avocat des droits de l'homme Haytham Maleh, 80 ans, arrêté en octobre 2009 pour avoir critiqué le gouvernement, puis libéré le 8 mars. Selon lui, il est nécessaire de libérer les détenus politiques, de lever la loi d'urgence décrétée il y a 48 ans et d'annuler l'article 8 de la Constitution, qui stipule que « le parti Baas est le dirigeant de l'État et de la société ». De plus, 80 % des recettes du pays sont « entre les mains d'une poignée » de personnes, dénonce-t-il. Les inégalités se sont accentuées dans le pays, la pauvreté touchant 14 % des 22 millions de Syriens. Le taux de chômage, particulièrement élevé chez les jeunes, est évalué par des experts à 22 %.

Pour tenter de calmer la colère de la population qui a incendié plusieurs édifices gouvernementaux, Damas a annoncé mardi le renvoi du gouverneur de la province, Faisal Kalthoum. Ce dernier était notamment accusé de corruption par les habitants de Deraa.