L'ex-directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique Mohamed ElBaradeï a réclamé jeudi le départ du président égyptien Hosni Moubarak. Selon la chaîne Al Arabia, il se proposerait d'assurer son intérim si la population égyptienne le lui demandait.

M. ElBaradeï est arrivé vers 19h15 à l'aéroport du Caire, où il a été accueilli par une cinquantaine de partisans, a constaté un journaliste de l'AFP. Co-lauréat, avec l'AIEA, du prix Nobel de la paix 2005 pour son action contre la prolifération nucléaire, Mohamed ElBaradeï est devenu une figure de proue de l'opposition égyptienne.

Il a l'intention de participer aux manifestations massives prévues vendredi par l'opposition, à la sortie de la grande prière hebdomadaire.

«Demain auront lieu, je pense, de grandes manifestations dans toute l'Egypte, et je serai là avec les manifestants», a-t-il confié par téléphone depuis Vienne, où il réside. Il a précisé qu'il n'entendait pas prendre la tête des manifestations, mais simplement participer aux changements politiques dans son pays.

Prié de dire s'il ne craignait pas d'être arrêté à son arrivée au Caire, Mohamed ElBaradeï a répondu qu'une telle initiative «rendrait les choses bien, bien pires» pour le régime égyptien en proie depuis trois jours à des manifestations de rue inédites.

Le président Hosni Moubarak «sert le pays depuis 30 ans et il est temps qu'il se retire», a ajouté M. ElBaradeï. Selon la bande défilante de la chaîne de télévision panarabe Al Arabia, il s'est dit «prêt à assumer le pouvoir pendant une période transitoire si la rue le demande».

«Pas de retour en arrière» possible
Inspirée de la révolution tunisienne qui a chassé le président Zine Ben Ali le 14 janvier après 23 ans de pouvoir, la révolte populaire en cours en Egypte contre le régime du «raïs» de 82 ans est dépourvue de toute «tête» politique.

Bien qu'il vive à Vienne, M. ElBaradeï a tenu une série de meetings l'an dernier dans son pays pour réclamer des réformes politiques et se poser en principal adversaire du président Hosni Moubarak. Il n'exclut pas de se présenter à l'élection présidentielle prévue en septembre si ces changements démocratiques se concrétisent.

La Constitution égyptienne rend difficile a toute personne n'appartenant pas au Parti national démocrate (PND) de Moubarak de se présenter à un scrutin présidentiel, et a fortiori de le remporter. Dès lors, ElBaradeï souhaite une réforme de la loi fondamentale.

Accrochages
Pendant ce temps, les manifestations sans précédent contre le régime du président Moubarak ont fait un septième mort jeudi. Dans le nord du Sinaï, un manifestant de 22 ans a été mortellement atteint d'une balle dans la tête lors d'un échange de tirs entre des manifestants bédouins et les forces de sécurité, ont indiqué des témoins.

Outre l'attaque d'une caserne de pompiers, des accrochages ont opposé dans l'après-midi plusieurs centaines de manifestants aux forces de l'ordre à Suez, ainsi qu'à Ismaïliya, une cinquantaine de kilomètres plus au nord sur le canal de Suez.

Au total, cinq manifestants et deux policiers sont morts et des dizaines de personnes ont été blessées depuis mardi. Selon un responsable des services de sécurité, «au moins mille personnes ont été arrêtées à travers le pays».

Appels internationaux
Le parti au pouvoir en Egypte s'est dit ouvert jeudi à un dialogue avec la jeunesse. Les manifestations «ont été pacifiques dès le début, la belle jeunesse, brandissant des drapeaux égyptiens, s'est exprimée de façon respectée et civilisée», a déclaré lors d'une conférence de presse Safwat al-Chérif, secrétaire général du Parti national démocratique (PND, au pouvoir). Il n'a toutefois pas proposé de concessions aux manifestants.

Paris a appelé jeudi Le Caire à respecter la liberté d'expression et le Canada a dit souhaiter le développement de la démocratie en Egypte, mais «d'une façon pacifique et non violente». Les Etats- Unis, l'Union européenne et l'ONU avaient appelé le gouvernement égyptien à écouter les demandes du peuple.