images tunis libreFouad Mebazaa, président de la Chambre des députés, a prêté serment samedi dans l'après-midi et confié à Mohamed Ghannouchi la tâche de former un gouvernement de coalition.

Honorant sa promesse de la veille, où, comme éphémère président provisoire, il avait promis de consulter les leaders de l'opposition, ce dernier a accepté de diriger une coalition jusqu'à l'organisation du scrutin, a révélé un des leaders de l'opposition.

"HEUREUX D'ÊTRE LIBRES APRÈS 23 ANS"

Tunis restait étroitement quadrillée samedi par la police et l'armée au lendemain des violentes émeutes qui ont couronné un soulèvement contre le régime déclenché par le suicide, dans la ville centrale de Sidi Bouzid, d'un jeune diplômé que le chômage avait réduit à devenir marchand des quatre saisons.

Des barrages de l'armée interdisaient l'accès à l'avenue Habib Bourguiba, la principale artère de la capitale, où les portraits géants de Ben Ali ont été décrochés symboliquement de la façade du siège de son puissant Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti qui monopolise le pouvoir.

Cette "Révolution du jasmin", comme l'a surnommée la jeunesse tunisienne qui en a été le moteur, n'a à aucun moment brandi l'étendard de l'islamisme, contre lequel Ben Ali était considéré comme un rempart par des pays occidentaux qui ont, du coup, longtemps fermé les yeux sur ses atteintes aux libertés publiques.

Mais ce soulèvement a eu un prix: des dizaines de morts, pour la plupart tombés sous les balles de la police à la botte de l'ex-autocrate dont toute la carrière s'est effectuée au sein de l'armée et de la sécurité avant qu'il ne devienne Premier ministre et ne dépose en 1987 Habib Bourguiba pour "sénilité".

Le tombeur du premier président de la Tunisie avait alors promis un pluralisme qui ne s'est jamais concrétisé. "Nous sommes heureux d'être libres après 23 ans de prison", confie une Tunisois, Fahmi Bouraoui, en sirotant un "kaoua" au café Mozart, un des rares commerces de la ville qui a rouvert dans la matinée.

Des centaines de militaires, appuyés par des chars et des blindés, quadrillaient le centre de la capitale, encore jonché des débris et stigmates des violences, des pillages et des actes de vandalisme de la veille. Un hélicoptère militaire survolait la ville en permanence.

Mais ce dispositif n'a pas empêché des voitures de personnes armées - sans doute des miliciens ou des policiers fidèles au président en fuite - de tirer au hasard sur des bâtiments et des attroupements. De leur côté, certains manifestants disaient ne pas vouloir relâcher leur mouvement tant que le régime ne se sera pas effondré.

"Nous reviendrons dans les rues (...) pour poursuivre cette désobéissance civile jusqu'à ce que ce régime parte. La rue a parlé", confie Fadehel bel Taher, dont le frère figure parmi les dizaines de victimes de la répression policière du mois écoulé.

"L'HEURE EST À LA DISCUSSION"

En province, une mutinerie à conduit à l'incendie de la prison de Monastir, sur la côte est, qui a fait 42 morts et a donné l'occasion à des dizaines de détenus de fuir, rapporte l'agence de presse officielle Tap. A Mahdia, un peu plus au sud, plusieurs dizaines de détenus ont été tués lors d'une évasion collective, rapporte des témoins.

L'espace aérien tunisien a été rouvert samedi après avoir été brièvement fermé la veille lors de la fuite de Ben Ali, dont certains membres de la famille, accusée notoirement de corruption, ont été, selon Ghannouchi, arrêtés.

Parmi les personnalités consultées par ce dernier en vue de former un gouvernement de coalition, figure Nadjib Chebbi, un avocat considéré en Occident comme une des figures les plus crédibles de l'opposition.

"C'est un moment crucial. Un changement de région est en cours. L'heure est à la succession", a confié le dirigeant du Parti démocrate progressiste (PDP) à une chaîne de télévision française. "Cela doit conduire à de profondes réformes, à réformer la loi et à permettre au peuple de choisir.

"Nous avons discuté de l'idée d'un gouvernement de coalition et le Premier ministre a accepté notre requête", a déclaré à l'agence Reuters Moustapha Ben Jaafar, du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL). "Demain (dimanche), il y aura une autre réunion avec l'objectif de sortir le pays de cette situation et d'obtenir de véritables réformes. Les résultats de ces discussions seront annoncées demain", a-t-il ajouté.