Interdiction du voile intégralLe Parlement régional de Catalogne, l'une des deux régions les plus peuplées du pays, devait se prononcer mercredi pour ou contre une motion, non-contraignante, de deux députés de droite pressant les autorités régionales d'interdire le voile intégral (burqa ou niqab) dans tout l'espace public.

Ce vote à l'issue incertaine fait suite à l'adoption la semaine dernière par le Sénat espagnol d'une motion similaire de la droite demandant au gouvernement d'interdire le voile intégral dans les lieux publics.

Ses promoteurs estiment que l'Espagne ne peut continuer de «s'abriter derrière le politiquement correct» et «rester en marge du débat européen».

La Belgique a approuvé fin avril l'interdiction du voile intégral dans tout l'espace public. Le débat fait rage en France où un projet similaire sera présenté en juillet au Parlement.

En Espagne, où la communauté musulmane représente 1,2 million de personnes mais où le port du voile intégral est ultra-minoritaire, ce sont des communes catalanes qui ont pris les devants.

Neuf municipalités de cette région abritant d'importantes communautés algérienne, marocaine et pakistanaise, ont interdit ces dernières semaines le voile intégral dans les édifices publics, pas dans la rue.

Barcelone, a annoncé la semaine dernière qu'elle allait suivre, comme l'a déjà fait lundi la commune andalouse de Coin (sud).

La question transcende les clivages: ces interdictions ont été prononcées à l'initiative de toutes couleurs politiques.

«Elle ne veut pas de problèmes. Elle m'a dit: je vais remplacer la burqa par une casquette et des lunettes de soleil», témoigne dans El Pais l'époux marocain de l'unique femme intégralement voilée de Cunit, ville catalane ayant voté l'interdiction. Le journal explique que le mari s'exprime à la place de son épouse de 26 ans, arrivée en Espagne il y a neuf ans quand elle était encore mineure, car elle ne parle pas espagnol.

Le débat suscite un certain embarras au sein du gouvernement socialiste, partagé entre deux de ses marques d'identité: la défense de l'égalité hommes-femmes, et le respect des cultures qu'il promeut internationalement à travers son initiative de «Dialogue des civilisations» entérinée par l'ONU.

«A ce rythme, il y aura bientôt plus d'arrêtés municipaux que de burqas en Espagne», a déploré la ministre de l'Egalité, Bibiana Aido, jugeant «nécessaire une régulation générale du voile intégral».

«La burqa ne pose pas seulement un problème d'identification. Elle porte atteinte à l'égalité et à la liberté des femmes. Mais c'est une question extrêmement complexe qu'il faut aborder avec réflexion pour ne pas créer beaucoup plus de problèmes», a-t-elle souligné.

Le ministre de la Justice, Francisco Caamaño, a déclaré que le gouvernement songeait à inclure une mesure pour restreindre l'usage du voile intégral dans les lieux publics dans sa loi en préparation sur la «liberté de religion».

La puissante église catholique espagnole défend le port du voile intégral au nom de la Constitution qui stipule: «Les personnes et institutions ont le droit de manifester leur croyance, dans la limite du respect de l'ordre public».

Amnesty international s'est prononcé mardi contre l'interdiction, au nom de la liberté religieuse et d'expression, jugeant que ce n'est pas le moyen adéquat pour les Etats de remplir leur «obligation de protéger les femmes contre l'imposition du voile intégral».