Tinzaouatine est-elle une plateforme de la contrebande ?
11 gardes frontières assassinésAvec In Guezzam, elle est une des zones les plus importantes des trafics (drogue, armes, cigarettes, nourriture, véhicules…) dans le Sahel. « Trafiquants, contrebandiers et islamistes radicaux, qui ont parfois des liens familiaux avec les tribus nomades, sont étroitement liés », explique une source militaire. Quelque 60 millions de musulmans vivent dans cette région dans des conditions de plus en plus difficiles. Les extrémistes, bien au fait des données démographiques favorables et de la détresse économique, ciblent activement ces communautés. Il existe un mouvement fluide entre les terroristes et les réseaux criminels de la contrebande. En fait, le djihad est souvent financé par le reste, par la fedia. Et ces marchés noirs représentent une source vitale de revenus pour de nombreuses populations.

Quel est le pays qui a le plus de moyens pour surveiller la région ?
L’Algérie. L’armée procède à des ratissages réguliers et installe des campements conjoncturels mais il n’existe pas de « base » vouée à la lutte antiterroriste dans le Sahel. L’armée est soutenue sur place, par les douaniers, les gardes communaux et les gendarmes gardes frontières (les GGF), principale force du dispositif. Les autres pays ont beaucoup moins de moyens et même d’expérience. La preuve : l’Algérie, dans le cadre de la coopération entre les armées algérienne et malienne, surtout dans le domaine de la lutte contre la criminalité organisée en général et la lutte antiterroriste en particulier, avait, en mai 2009 commencé à fournir au Mali, une aide militaire qualifiée de très importante. Il s’agit d’un important lot d’équipements militaires, d’armement, notamment des armes d’assaut, de munitions et de matériels de télécommunication et du carburant transportés par de gros avions des forces aériennes algériennes. Cette aide avait été décidée par le président Abdelaziz Bouteflika en personne, lors de la visite du ministre de la Défense malien, Natié Plea, en juin 2008. Les autorités maliennes avaient soumis une liste de leurs besoins militaires aux autorités algériennes, acceptée trois semaines après, lors de la visite de plusieurs hauts gradés de l’armée algérienne à Bamako en 2009. L’Algérie, à travers cette aide, voulait démontrer son engagement dans la lutte antiterroriste dans la région, mais aussi couper toute tentative d’immixtion étrangère dans la région du Sahel.

Même si Al Qaîda revendique l’attaque, est-il possible que ce soit des contrebandiers ?
Oui, c’est en tout cas ce que pensent certains experts. « Une affaire aussi violente ne me surprendrait pas si elle était liée aux contrebandiers et à la drogue, dont le cheminement est aujourd’hui connu pour transiter par le Sahara, en provenance de Guinée pour arriver en Europe », souligne Jacques Giri. Il n’y a pas d’un côté Al Qaîda et de l’autres, les contrebandiers. Les deux camps sont imbriqués, et parfois amenés à agir ensemble. C’est ainsi qu’un otage qui tombe entre les mains des contrebandiers est ensuite revendu à Al Qaîda.

Al Qaîda est-elle en train de se redéployer dans la région ?
C’est possible, car d’après une source militaire, « l’enlèvement de Ouaghi Bedaâ, le guide des GGF, spécialiste de la région, renseigne sur le but de l’opération. Cette brigade est l’objet d’une surveillance accrue par les contrebandiers, seuls en mesure d’identifier ce guide. Al Qaîda pense qu’il connaît le dispositif récent mis en place dans la région. Ces derniers temps, les maquis d’AQMI, au nord de l’Algérie, ont été isolés grâce au maillage des forces de sécurité, notamment grâce à la stratégie de renforcement du contrôle aux principaux points de passage, spécialement à El Oued, Biskra, Djelfa. Ils essaient de trouver de nouvelles issues. »

Les Touareg peuvent-ils aider à lutter contre ces fléaux ?
« Oui, affirme Jacques Giri, polytechnicien, auteur d’Histoire économique du Sahel. La solution est à chercher au niveau des Touareg. S’il y avait une véritable solidarité nationale, avec l’intégration pleine et entière de ces populations, cela serait certainement plus facile. Les propositions des Accords d’Alger, qui recommandent l’intégration des Touareg maliens au sein de l’armée nationale, sont totalement fondées. » Mais pour cela, il faudrait que certains Touareg, qui vivent de la contrebande, cessent de collaborer avec les terroristes.


Tamanrasset: 11 gardes frontières assassinés à Tinzaouatine

Onzes gendarmes gardes frontières (GGF) dont un lieutenant, en patrouille, ont été assassinés hier matin dans une embuscade tendue par un groupe armé islamiste dans la région de Tinzaouatine dans la wilaya de Tamanrasset près des frontières algéro-maliennes.

Selon des sources sécuritaires, les gardes frontières ont été surpris par des tirs nourris de fusils mitrailleurs et l’explosion d’une bombe artisanale alors qu’ils étaient en patrouille dans cette région isolée à bord de trois véhicules Toyota Station. Le bilan est lourd : 11 gardes frontières sont tués sur le coup et trois autres blessés. Un accrochage suivra par la suite et les gardes frontières ont blessé plusieurs terroristes qui ont pu prendre la fuite et s’évanouir dans la nature. Les terroristes ont pu emporter avec eux des armes et des munitions ainsi qu’un matériel de transmissions avant de mettre le feu aux deux véhicules des GGF.

Une opération de recherche a immédiatement été enclenchée et un important renfort a été dépêché sur les lieux. Des traces de sang des terroristes blessés et secourus par leurs acolytes ont été découvertes non loin de l’endroit de l’embuscade. On apprend que le chef de la VIe Région militaire de Tamanrasset s’est déplacé aussitôt après l’attentat sur les lieux et supervise en personne une importante opération de ratissage avec le déploiement d’un appui aérien considérable pour traquer les auteurs de cet attentat. Selon nos sources, le groupe de Abid Hamadou alias Abou Zeïd serait derrière cette embuscade, la plus meurtrière depuis l’attentat qui a coûté la vie à plus de 15 gendarmes près de Bordj Bou-Arréridj en juin 2009. Ce terroriste dirige la katibat Tarek Ibn Ziyad composée d’une quinzaine d’éléments.

Parmi eux, des mercenaires étrangers (Maliens, Mauritaniens et Libyens) affiliés à Al-Qaïda Maghreb sous la direction du sinistre Yahia Djouadi alias Yahia Abou Amar “émir” du Sahel. Il faut savoir également que c’est l’attentat le plus meurtrier perpétré depuis le début de l’année dans la région du Sud après celui qui a ciblé, en 2008, un convoi de GGF à Oued-Souf et qui avait coûté la vie à 7 gendarmes. Selon des observateurs, cet attentat intervient au moment où les maquis des groupes terroristes au centre et à l’ouest du pays sont soumis à une rude pression par les services de sécurité qui multiplient les ratissages.

Une situation qui a créé une véritable saignée au sein du GSPC qui a vu un nombre important de ses éléments éliminés par l’ANP sans compter les redditions. Cet attentat serait également une manœuvre des terroristes qui, face à un grand ratissage de l’ANP au niveau de Machlaouaut dans la région de Tinzaouatine, tentent de desserrer l’étau. D’autre part, le groupe terroriste aurait planifié cet attentat pour récupérer des armes d’autant que l’armée a déjoué dernièrement plusieurs tentatives du GSPC de faire acheminer tout un arsenal de guerre à partir des frontières sud vers les maquis du Centre.