Kamel HAMADIL’association les Amis de la Rampe Louni Arezki (ex-Rampe Vallée) s’inscrit pleinement dans la louable et édifiante démarche de la revalorisation du patrimoine ; elle aspire à raviver la mémoire dans un contexte de guerre des mémoires. L’association tend à assurer la transmission, estimant par là que le conflit générationnel n’est, en fait, qu’une faillite des prédécesseurs qui n’ont pas réussi à transmettre leur savoir, leurs connaissances et notre patrimoine, oral dans sa majeure partie. Après avoir ravivé la mémoire de Hadj M’Rizek, l’association a rendu, avant-hier, un hommage à Kamel Hamadi, un grand maître de la musique, qui a magistralement porté la chanson algérienne à travers des textes immortels, qu’il avait écrits pour des artistes chevronnés, à l’exemple de Hadj M’hamed El Anka, Fadéla Dziria, Slimane Azem, Boudjemaâ El Ankis, Noura ou encore Cheb Khaled. Kamel Hamadi a ouvert son cœur et a fouillé sa mémoire. Il a tenté, comme l’a si bien dit Chateaubriand dans ses Mémoires d’outre-tombe, “de remonter vers mes belles années, expliquer mon inexplicable cœur”. L’artiste a évoqué, durant la rencontre organisée au palais El-Menzah (en face du mausolée de Sidi Abderrahmane), ses souvenirs de La Casbah, l’activité artistique bouillonnante dans ce mythique quartier à la deuxième moitié du XXe siècle, le rôle de la chanson (du dedans et de l’exil) dans la guerre de libération, ainsi que ses innombrables errances et sa grande passion pour l’art et la chanson. Incontestablement, La Casbah a été une véritable source d’inspiration puisqu’elle lui a permis de rencontrer et de côtoyer de grands noms de la chanson. Tout a commencé lorsque Kamel Hamadi avait quatorze ans et qu’il est allé vivre chez son oncle à La Casbah. De cet oncle, il apprendra l’art de la couture.

Et chez cet oncle, il rencontrera des artistes qui l’introduiront petit à petit dans le milieu artistique, notamment Khelifa Belkacem, Abdelkader Fethi, Rabie Boualem et le grand chanteur Arab Ouzellag. Kamel Hamadi avait également une véritable passion pour le cinéma, ce qui fertilisé davantage son imagination, et lui a ouvert de nouvelles perspectives dans la musique. “J’allais au cinéma regarder Lahn el Khouloud, de Farid El Atrach. Je le regardais jouer du oud, et je me mettais à rêver”, déclare-t-il.

Des anecdotes qui résument une vie
Mais ses rêves prendront forme et la réalité dépassera ses pérégrinations mentales.

Après avoir traduit les Fables, de La Fontaine, vers le Kabyle et transformé les chansons de Slimane Azem en opérette pour la radio, il a commencé à proposer ses propres textes. “Un jour à la radio, El-Anka est venu et il m’a entendu. Il m’a demandé la première fois si c’était moi qui avais écrit cela. La semaine d’après, il m’a redemandé la même chose et, au bout de la troisième fois, il m’a demandé si je connaissais la chanson Ya Abi, ya Abi et si je pouvais écrire une réponse. Une semaine après, je lui ramène Ami Aâzizen. Il lit, met la feuille dans sa poche et quelque temps après, je l’entends la chanter. C’est le plus beau souvenir de ma vie”, se souvient-il. Kamel Hamadi a écrit cette superbe chanson alors qu’il n’avait pas encore 18 ans.

Son parcours dans la musique est truffé d’anecdotes et nous avons été servis lors de cette rencontre. Nous avons, par exemple, appris que c’était lui qui a donné le surnom de Ezzahi à Amar Ezzahi, car le célèbre Amimmar voulait se donner comme nom artistique celui de Amer El-Ankis.

Quant à son pseudonyme, Kamel Hamadi (Larbi Zeggane de son vrai nom), il a révélé : “Il était hors de question que je garde mon vrai nom parce que c’était mal vu à l’époque de faire partie du milieu artistique. Comme j’étais un grand fan de cinéma, j’ai pris Kamel de Kamel El Chenaoui, et Hamdi d’Imad Hamdi. Et c’est devenu Kamel Hamadi.” En outre, Kamel Hamadi a évoqué la chanson kabyle d’aujourd’hui estimant que “de tout temps, il y a eu du bon et du mauvais, mais les bonnes choses restent ! Mais maintenant, tout a changé car, avant, il y avait le milieu artistique et pour s’y introduire, il fallait passer par des gens comme Ahmed Bouguettaya, Boudali Safir ou encore Saïd Rezzoug”.

Présent à ses côtés, le poète Ben Mohamed, qui a révélé à l’assistance qu’il était du quartier de la Rampe Louni Arezki, a renchéri : “Maintenant, il y a des gens qui chantent alors qu’ils n’ont rien à dire. Quand on chante ce qu’on a dans les tripes et qu’on chante pour plaire, ce n’est pas la même chose.” Kamel Hamadi, dont le parcours regorge d’anecdotes et d’histoires extraordinaires, a révélé qu’il préparait une biographie, dont le premier tome est prévu pour cette année et le second pour l’année prochaine.