Rachid Bouchareb"Si la polémique reste à hauteur du débat d'idées, nul ne doit s'en plaindre, ni ceux qui ont produit le film, ni ceux qui s'en font les adversaires. Dans les deux cas que la liberté d'expression s'exerce pleinement, c'est tant mieux", a déclaré Thierry Frémaux dimanche à l'AFP.

"Mais il est fréquent qu'on instrumentalise le festival. C'en est presque une tradition ! Sa notoriété est telle que cela peut se révéler efficace. Si c'est pour discuter, voire se disputer, pourquoi pas ? Pour s'affronter et s'invectiver, non", a-t-il ajouté.

"Hors-la-loi", une production algéro-franco-belge en sélection officielle au festival de Cannes (12-23 mai) sous pavillon algérien, retrace le parcours de trois frères ayant survécu aux massacres de Sétif de mai 1945 et qui, arrivés en France, s'engagent pour l'indépendance de l'Algérie.

Plusieurs milliers d'Algériens ont été tués au cours de ces massacres, déclenchés en répression de manifestations pro-indépendantistes dans l'est algérien qui avaient dégénéré et fait plus de cent morts parmi les Européens.

Une des ambitions du film est de "faire la lumière sur ce pan de l'histoire commune aux deux pays" et de "rétablir une vérité historique confinée dans les coffres", a affirmé au journal algérien El Watan le réalisateur.

Mais un député français de la majorité de droite UMP, Lionel Luca, conteste vigoureusement la vision proposée par M. Bouchareb et l'a accusé de "falsifier" l'Histoire.

Le député avait obtenu courant 2009 que soit émis un avis du service historique du ministère de la Défense, à partir du scénario. Ce rapport, consulté par l'AFP, relevait des "erreurs et anachronismes (...) grossiers".

Concernant les événements de Sétif il notait: "le réalisateur veut faire croire au spectateur que le 8 mai 1945 à Sétif des musulmans ont été massacrés aveuglément par des Européens", alors que "c'est le contraire qui s'est produit, (...) c'est en réaction au massacre d'Européens que les Européens ont agi contre des Musulmans".

Selon les Algériens, cette répression, à laquelle avaient participé des milices de civils français, aurait fait 45.000 victimes. Du côté français, le bilan oscillerait entre 1.500 et 8.000 morts.