Réputé pour être un moment important dans la vie économique et politique d’un pays, le Conseil des ministres, présidé par le chef de l’Etat et qui réunit le Premier ministre et l’ensemble des ministres du gouvernement, permet notamment de discuter et d’adopter certains actes du pouvoir exécutif, tels que le dépôt des projets de loi du gouvernement ou les nominations de hauts fonctionnaires de l’Etat et officiers militaires. L’absence d’une telle rencontre depuis octobre de l’année dernière ajoute à la morosité du climat des affaires dans le pays un brin de scepticisme et d’incompréhension nourri par le silence du chef de l’Etat.

L’absence de Conseil des ministres a cassé la dynamique des réformes
conseil des ministresUn Conseil des ministres qui ne s’est pas réuni depuis bientôt quatre mois, les deux chambres du Parlement dans une longue phase d’hibernation faute de projets de lois à débattre et un conseil des participations de l’Etat qui ne se tient que pour entériner des décisions d’assainissement financier au profit d’entreprises publiques budgétivores, voilà de quoi paralyser toute une économie en contraignant tous ses acteurs à l’attentisme. Les lois à même de donner de la visibilité aux investisseurs et aux managers dans l’exercice de leurs missions quotidiennes ne sont plus produites par les instances concernées (présidence de la République et Parlement) à l’exception des troublantes lois de finances qui n’ont fait que compliquer le fonctionnement général de l’économie et des quelques décrets exécutifs promulgués par le Premier ministre, qui ont compliqué encore davantage les procédures d’investissement et de gestion remettant, notamment en cause ce qu’on croyait être des acquis définitifs des réformes, à savoir l’autonomie des entreprises, l’obligation de résultats, la concurrence, l’ouverture commerciale et le régime d’égalité entre les entreprises publiques et privées.

Cette pause aussi subite qu’inexpliquée de la production législative qu’on avait pourtant, à juste titre, qualifiée de prolifique avant le troisième mandat du président Bouteflika a jeté le trouble chez tous les acteurs sociaux, mais sans doute plus encore, chez les opérateurs économiques qui associent légitimement cette longue éclipse du premier magistrat du pays, à un grave antagonisme entre certains clans au pouvoir, pouvant déboucher sur une instabilité politique et sociale préjudiciable aux affaires. Leurs craintes, corroborées par la possibilité offerte au président de la République de légiférer par ordonnance, mais que ce dernier n’utilise plus, se sont déjà traduites sur le terrain par la mise en veilleuse de nombreux projets d’investissement, l’attitude de « wait and see » observée par les hommes d’affaires étrangers et la morosité de l’indice de confiance des dirigeants d’entreprises industrielles.

Immobilisme
Instance primordiale d’orientation de la politique économique du pays, le Conseil des ministres, de surcroît, présidé par un chef d’Etat qui s’est octroyé l’ensemble des pouvoirs (aussi bien législatifs qu’exécutifs), ne peut pas s’offrir le luxe d’une éclipse aussi courte soit-elle, au risque de créer de graves goulots d’étranglement dans la conduite du pays et, notamment, l’économie qui nous intéresse en premier chef. Un Conseil des ministres qui ne se tient pas et c’est toute la machine économique en attente d’éclairages politiques, juridiques et autres qui se grippe avec toutes les répercussions négatives sur la longue chaîne des intervenants (APN, Sénat, ministères, entreprises, partenaires étrangers etc.).

Jamais l’Algérie, y compris durant les pires années de terrorisme islamique, n’a autant connu un tel immobilisme, pour ne pas dire régression, au regard des seuls textes de lois produits durant ces quelques derniers mois (lois de finance complémentaire pour l’année 2009, décret exécutif instaurant l’obligation de visa pour les importations, assainissements financiers d’entreprises publiques insolvables, etc.) et des difficultés bureaucratiques de toutes sortes infligées aux entrepreneurs et investisseurs privés, aujourd’hui plongés dans une totale précarité. Le chef de l’Etat, qui ne réunit plus le Conseil des ministres, sait pourtant pertinemment que sans cette instance aucune action vivifiante pour le pays en général et l’économie en particulier, n’est passible.

Instance suprême de décision depuis la suppression du poste de chef de gouvernement, aucune loi fondamentale, aucun programme de développement économique, aucune adhésion à un partenariat avec une partie étrangère, aucune privatisation d’entreprise économique, aucun gros investissement, aucun IDE, ne peut se faire sans l’aval du Conseil des ministres. D’où la situation de marasme dans laquelle est plongé depuis quelques mois le pays, dans un contexte, il est vrai, aggravé par les affaires de corruption qui ont affecté d’importantes entreprises et secteurs d’activité algériens.

C’est une période particulièrement néfaste que le pays payera lourdement d’une manière ou d’une autre, ne serait-ce que pour le précieux temps perdu au moment ou d’autres nations avancent à grands pas. Même la nouvelle stratégie industrielle, chère à Temmar n’a toujours pas reçu l’aval du Conseil des ministres. Facteur aggravant, cette panne générale de l’économie sans doute volontairement provoquée, arrive au moment où l’Algérie dispose encore de suffisamment de moyens financiers (nos réserves de change sont estimées à plus de 140 milliards de dollars), pour poursuivre et approfondir les réformes économiques et sociales devant propulser l’Algérie vers la modernité. La crainte est que cette manne financière soit peu (le programme quinquennal 2010-2015 n’a toujours pas démarré faute d’aval du Conseil des ministres) ou mal utilisé, comme tendent à l’accréditer les nombreuses affaires de corruption et dépassements de budgets, fréquemment révélés par la presse.