Restriction carolique
Manger moins pour vivre longtempsDepuis près d'un siècle, les études sur les animaux nous ont montré que ceux qui mangent moins de calories (sans toutefois subir de carences nutritionnelles en éléments essentiels), vivent beaucoup plus longtemps que leurs équivalents qui ingurgitent de plus grandes quantités de nourriture. Chez les souris, par exemple, une réduction de 30 % de l'apport calorique provoque une augmentation de 40 % de la longévité. Un gain qui est causé en grande partie par une réduction importante des maladies cardiovasculaires, des cancers et des maladies neurodégénératives. Des effets similaires ont été observés à de multiples reprises chez une panoplie d'organismes modèles en recherche, en particulier la levure, les mouches à fruits et certains vers. Cependant, l'impact de la restriction calorique sur le vieillissement d'animaux plus complexes comme les êtres humains demeurait jusqu'à tout récemment encore incompris.

Des signes en grande forme!
Une étape importante en ce sens a été franchie l'an dernier avec la publication de la première étude portant sur l'influence d'un apport réduit en calories sur la santé et l'espérance de vie de singes rhésus (1). Comme tous les primates, ces singes sont de proches parents évolutifs de notre espèce et représentent donc le meilleur modèle animal possible pour déterminer à quel point la restriction calorique peut influer sur la santé humaine.

Les chercheurs ont sélectionné 76 singes âgés de 7 à 14 ans (ce qui correspond à l'âge adulte chez cette espèce) et les ont répartis en deux groupes : un groupe témoin, recevant une alimentation standard, et un autre dont le nombre de calories quotidiennes a été réduit de 30 %. Puisqu'en captivité, ces singes vivent 27 ans en moyenne, il s'agissait véritablement d'un travail de recherche de longue haleine, qui a commencé à donner ses premiers résultats 20 ans après le début du projet.

Le jeu en valait cependant la chandelle, car les résultats obtenus sont spectaculaires : les singes soumis à une restriction de l'apport calorique se distinguent par leur plus grande vivacité, une peau plus élastique et un excellent profil sanguin des lipides et du sucre, comparativement à ceux qui mangent de plus grandes quantités de nourriture. Plus intéressant encore, les singes qui mangent moins sont touchés plus tardivement par le cancer, les maladies cardiovasculaires ainsi que l'atrophie de la matière grise du cerveau et, par conséquent, parviennent à atteindre un âge plus avancé. L'étude n'est pas encore terminée, mais au moment de la publication de l'article, 50 % des animaux témoins étaient encore en vie, comparativement à 80 % des animaux soumis à la restriction calorique.

Reprogrammer le métabolisme
L'amélioration spectaculaire de la qualité et de l'espérance de vie qui découle de la réduction de l'apport calorique est due à des modifications profondes du métabolisme. D'une part, manger moins fait en sorte que les mitochondries utilisent moins d'oxygène et/ou transforment plus efficacement l'énergie en ATP, ce qui résulte dans les deux cas à une plus faible production de radicaux libres, des dérivés de l'oxygène très toxiques pour les cellules. D'autre part, la restriction calorique induit une reprogrammation importante du métabolisme des cellules, notamment l'activation de certains mécanismes de défense impliqués dans la réponse au stress. L'activation de ces mécanismes, notamment une classe de protéines appelées sirtuines, provoque une série d'effets positifs qui, collectivement, réduisent le vieillissement des composants des cellules et permettent ainsi aux organes de fonctionner de façon optimale pendant plus longtemps.

Manger moins pour vivre longtemps et en bonne santé. Qui aurait cru que les humains pouvait être d'une telle simplicité?

(1)Colman et coll. Caloric restriction delays disease onset and mortality in rhesus monkeys. Science, 2009;325:201-4