NaïmaAprès des mois (de février à novembre) de tentatives d'accommodement de la part de l'enseignante et de la direction du Cégep (équivalant d'un Lycée en Algérie) Saint-Laurent (Montréal), la situation est devenue tendue au risque de provoquer des affrontements au sein de l'institution. Selon ce qu'a pu apprendre La Presse, M. Roger Giroux, un haut fonctionnaire (directeur général de la francisation au ministère de l'Immigration) est intervenu personnellement pour demander, pour la ixième fois, à la dame de retirer son niqab (qui ne laisse paraître que les yeux), à défaut de quoi elle serait expulsée du cours. Elle a refusé, exigeant une confirmation écrite de la position du Ministère, ce qu'elle a obtenu.

Dans la lettre, M. Giroux rappelle que les motifs ont été clairement exposés à l'élève exclue, que celle-ci ne pouvait poursuivre ses cours avec son niqab mais qu'elle avait tout loisir de suivre la formation en ligne. La dame a porté plainte dans les jours suivants devant la Commission des droits de la personne, qui l'étudiera dans les prochains mois.

Toute cette histoire a commencé en février 2009, lorsque cette immigrée égyptienne s'est inscrite à un cours de français dans un cégep. Elle avait alors le statut de résidente permanente au Canada. Pour s'inscrire, elle a fourni une photo sur laquelle son visage est découvert et elle a rencontré, sans niqab, l'évaluatrice des services de francisation.

Jusque-là, tout va bien. Les problèmes surgissent toutefois dès les premiers cours parce que quelques hommes sont dans la classe et qu'elle refuse de se dévoiler en leur présence. Conciliante, l'enseignante offre, avec l'accord de la direction du cégep, de s'isoler avec elle dans un coin de la classe pour faire les exercices de dialogue. Pour ces séances particulières, l'élève accepte de retirer son niqab.

Un exposé oral de dos
Cet arrangement bancal se heurte toutefois rapidement aux objectifs mêmes du cours, qui veut favoriser les échanges entre élèves, les exposés oraux et les mises en situation. En outre, la femme refuse de plus en plus souvent de se conformer à l'entente conclue avec son prof. Cette dernière, de même que la direction du cégep Saint-Laurent, lui rappelle que, pour des raisons pédagogiques, il est essentiel de voir le visage des élèves dans les échanges afin de pouvoir corriger leur élocution et de voir leurs expressions faciales. À un moment, on pousse même l'accommodement jusqu'à permettre à l'élève de faire un exposé oral au fond de la classe, de dos, parce qu'il y a des hommes dans la salle.

Les rapports entre la musulmane et son enseignante, mais aussi avec le reste de la classe se corsent à la limite du conflit ouvert. On atteint finalement le point de non-retour lorsque la dame, après une pause, demande à trois hommes de se déplacer parce qu'ils lui font face dans la classe, aménagée en U par l'enseignante pour, justement, faciliter les échanges. Les hommes et l'enseignante y consentent, mais la situation est devenue intenable et on se dirige clairement vers un affrontement.

Selon des sources, l'élève voilée refuse alors systématiquement de se découvrir le visage, même en tête à tête avec son prof, et elle se montre de plus en plus militante, voire agressive. Dès lors, le dossier «monte» jusqu'au Ministère et même jusqu'au bureau de la ministre de l'Immigration, Yolande James, qui suit de près, avec ses fonctionnaires, son évolution. L'ultimatum puis l'expulsion de l'élève ont été décidés au niveau politique, avec l'intervention d'un haut fonctionnaire et l'accord de la ministre James.

Dossier politiquement explosif pour le gouvernement du Québec
Bien des Québécois applaudiront la fermeté du gouvernement dans ce dossier, mais, politiquement et juridiquement, le terrain est glissant. Au moment où, dans plusieurs pays européens, un débat fait rage sur les symboles religieux, en particulier le voile (hijab, niqab ou burqa), Québec intervient, pour la toute première fois, dans une salle de classe. Deux autres cas semblables ont surgi récemment dans des cours de français pour immigrés au cégep de Sainte-Foy, mais les deux élèves se sont pliées aux exigences du cours.

Un autre cas connu est actuellement devant la Commission des droits de la personne. Sondos Abdelatif, une jeune musulmane qui suivait une formation pour devenir gardienne de prison, a déposé en 2007 une plainte après avoir été congédiée par Services correctionnels du Québec parce qu'elle refusait d'enlever son hijab.

Elle plaide la liberté de pratique religieuse alors que son ancien employeur affirme que le port du foulard pose des risques pour la sécurité de la gardienne.