imageUne fissure visible est de plus en plus apparente, notamment sur la coupole. Endommagé par le séisme du 21 mai 2003, l’édifice a subi également d’autres dégâts, non moins importants, qui sont visibles sur les murs intérieurs de la grande salle. Les travaux de réfection engagés en 2005 ne semblent ni suffisants ni efficaces. Ce patrimoine national exige par conséquent une véritable restauration.

Dimension historique de l’édifice Une virée sur les lieux permet, aujourd’hui de constater la dégradation flagrante que subissent la coupole et les murs décorés dans un style mauresque authentique. Un style dont s’est imprégné le concepteur de l’hôtel des postes, initialement dédié aux PTT (poste, télégraphe, téléphone), Charles Célestin Jonnart, alors gouverneur général de l’Algérie colonisée. En fait, Jonnart fut déjà l’initiateur d’un nouveau mouvement stylistique aux tendances orientales, désigné alors comme le néo-mauresque. Jonnart pensait à l’époque que la réussite de la colonisation française devait passer inévitablement par un rapprochement avec les autochtones. Une idée à laquelle s’étaient opposés les colons, acharnés à effacer définitivement la personnalité algérienne. Mais, soutenu par un groupe d’intellectuels «pieds-noirs», Jonnart a réussi à concrétiser son idée d’ériger ce monument, à ces yeux symbolique (la Grande Poste). C’est dire la dimension historique de cet édifice qui atteste de l’existence d’une civilisation autre que française bien avant 1830. Chose qui contredit parfaitement l’idée du «colonialisme positif». «L’édifice de la Grande Poste constitue l’une des preuves vivantes que l’Algérie était bel et bien une nation, avec sa propre culture, et ce bien avant l’arrivée des Français», affirme M. Nordine Boufenara, directeur de la communication d’Algérie Télécom. Une manière pour lui de réagir à la loi française du 23 février glorifiant le colonialisme. Son objectif est de tirer la sonnette d’alarme pour la préservation de cet édifice d’une dimension historique et sa classification en tant que patrimoine national. Pour ce faire, il nécessite une restauration réelle.

Le statut de patrimoine national réclamé «Il faut faire appel aux professionnels spécialisés dans la restauration des édifices antiques. Ce qui nécessite des moyens financiers colossaux», a expliqué M. Boufenara, soulignant l’urgence de classer cet édifice patrimoine national qui doit disposer d’un budget conséquent pour sa rénovation. Boufenara affirme que les budgets des entreprises nationales d’Algérie Poste et Algérie Télécom, qui disposent aujourd’hui du droit de jouissance, ne suffisent pas à eux seuls à la restauration de l’édifice. En plus de son architecture orientale, la dimension historique de la Grande Poste s’exprime notamment à travers les calligraphies couvrant encore les murs intérieurs de l’édifice. La religion islamique est parfaitement illustrée. On peut lire, en arabe, par exemple : «La âli ila allah», «il n’y a pas plus puissant que Dieu», en français. Ou encore : «Dieu est vainqueur», «le pouvoir éternel Lui appartient»… Sur le plan architectural, les stucs et autre nids d’abeilles, minutieusement sculptés sur les murs et au-dessous de la grande coupole, ancrent davantage la touche stylistique de l’architecture mauresque. Si les plans ont été tracés par des Européens, l’essentiel de la main-d’œuvre était algérienne et marocaine. La grande majorité des artistes plâtriers recrutés était constituée de gens originaires de Oued Souf. Cette ville, dont le nom (El-Oued) apparaît en bonne position dans le décor extérieur de l’édifice, est d’ailleurs connue de nos jours sous le nom de la ville aux mille et une coupoles. C’est dire tout l’art des plâtriers de la région.

Un repère incontournable pour les touristes La Grande Poste est devenue de nos jours le repère de toutes les personnes se rendant pour la première fois dans la capitale. Non pas parce qu’elle leur rappelle les malheureux événements de mars 1962 mais parce que l’édifice, situé au cœur d’Alger, est devenu un repère incontournable… L’intérêt que portent les nombreux visiteurs à l’édifice dépasse aujourd’hui le cadre de l’usage administratif. «Pour moi, c’est inconcevable de venir à Alger sans me rendre sur le parvis de l’esplanade de la Grande Poste pour admirer ce joyaux architectural», nous a affirmé, un appareil photo à la main, A.S, un cinquantenaire habitué du lieu. D’ailleurs, sur ce plan, l’édifice ne représente plus cette plaque tournante des courriers, télégraphes et autres activités postales. Ses activités sont réduites de presque 70 %. Celles drainant le grand public jadis sont toutes délocalisées vers d’autres centres d’Algérie Poste et Algérie Télécom, tel le service des chèques postaux qu’abrite le bâtiment annexe de la Grande Poste. Le personnel y travaillant encore est constitué en grande majorité d’«anciens postiers». Là aussi, c’est un choix étudié : «Nous constituons une équipe d’anciens combattant (rires). Je crois que grâce à notre expérience, la direction générale a préféré nous garder. Nous y sommes presque nés… nous avons passé presque la totalité de notre existence ici. Nous sommes tellement attachés à l’édifice que nous pensons toujours à son entretien», nous explique, avec fierté, un ancien postier derrière son guichet. Regrettant que l’entretien de l’édifice ne soit pas assuré par le personnel y travaillant, notre interlocuteur souligne que sa restauration s’impose plus que jamais. Il est à signaler que la Grande Poste célébrera son centenaire dans moins de 3 ans, soit exactement le temps qui a été consacré à sa construction (de 1910 à 1913). L’édifice serait-il restauré durant les trois années à venir ?