Siege de la Sonatrach à AlgerMême si le ministre de l’Energie et des Mines, Chakib Khelil, persiste à dire que qu’« il n’y a pas de scandale » à Sonatrach, il n’en demeure pas moins que l’affaire, qui est entre les mains du juge d’instruction près le tribunal de Sidi M’hamed, concerne trois lourds dossiers. Un contrat de 100 milliards de dinars avec Saipem, un autre avec le groupement Contel Funkwerk Plettac de 142 millions d’euros et la réfection du siège de la direction générale à plus d’une centaine de millions de dollars avec l’américaine CCIC.

Les graves malversations relevées par l’enquête préliminaire montrent que ces marchés ont été accordés à ces sociétés en contrepartie de « commissions » ou de « services rendus ». Ainsi, la société allemande Funkwerk électronic GMBH Plettac a trouvé « la bonne astuce » pour obtenir des marchés auprès de Sonatrach, une compagnie qu’elle connaît assez bien, et ce, depuis 2006, puisqu’elle a déjà arraché des contrats d’équipement de sécurité, pour un montant de 100 millions d’euros. Mais c’est le contrat obtenu par sa société créée en Algérie, avec le fils du PDG de Sonatrach et un certain Ali Smaïl Reda Djaâfer, sous le nom de groupement Contel Funkwerck, qui est à l’origine du scandale. La société aurait vu le jour à la veille du lancement de la consultation restreinte pour un marché de télésurveillance d’un montant de 142 millions d’euros et réussi à obtenir ce dernier, alors que de « grosses pointures » avaient soumissionné à des prix très compétitifs.

Dans le dossier, il ressort qu’en contrepartie de ce marché, il y a eu des « commissions » versées dans des comptes à l’étranger et des « services rendus » comme, entre autres, l’achat d’appartements à Paris et de villas en Algérie. Le second dossier a trait au contrat que Sonatrach a signé avec Saipem, une boîte italienne, de réalisation d’un système de transport par canalisation de gaz naturel (GK3), pour un montant de 580 millions de dollars, que « chapeaute » l’activité TRC (transport par canalisation) dont le vice-président est Benamar Zennasni, actuellement en détention dans le cadre de l’affaire. Il avait été nommé à ce poste en novembre 2008, alors que les consultations étaient déjà lancées, mais le contrat n’a été signé qu’en juin 2009. Là aussi, le marché aurait été obtenu dans des conditions douteuses et en contrepartie, toujours de « services rendus » et « de commissions », nous dit-on de sources proches du dossier. La troisième affaire concerne les travaux de rénovation des bureaux du 10e étage, du siège de l’avenue Ghermoul à Alger, entrepris par une société américaine (CCIC, une vieille connaissance de BRC dans la sous-traitance des contrats de gré à gré) et qui auraient coûté une centaine de million de dollars.

De nombreux cadres de Sonatrach auraient affirmé que ces travaux ont été lourdement surfacturés pour transférer la différence vers des comptes domiciliés à l’étranger. A signaler que ce n’est là que la partie visible de ce qui est communément appelé « le scandale Sonatrach ». En effet, des sources judiciaires affirment que la justice s’intéresse actuellement à d’autres dossiers encore beaucoup plus lourds et qui pourraient éclabousser d’autres cadres dirigeants de la compagnie. Parmi ces derniers, celui de la gestion des œuvres sociales et ses colossales dépenses douteuses, des prises en charge médicales à l’étranger, de la formation (à l’étranger), du recrutement mais aussi de nombreux contrats octroyés de gré à gré à des sociétés algériennes ou mixtes créées pour la circonstance par des proches de certains dirigeants et des membres de leur famille.

C’est dire que le dossier Sonatrach va connaître certainement des rebondissements et ce n’est certainement pas le ministre de l’Energie, Chakib Khelil, qui dira le contraire. En attendant, la chambre d’accusation près la cour d’Alger n’a toujours pas siégé pour examiner les demandes des avocats des sept prévenus sous contrôle judiciaire, dont le PDG de Sonatrach, et du parquet général. Les premiers ont contesté la décision du juge d’instruction et réclamé la liberté pour leurs mandants, alors que le représentant du ministère public a plaidé leur mise sous mandat de dépôt. La défense s’est interrogée sur le fait que cette chambre ait scindé le dossier en deux à travers l’examen des demandes relatives aux sept prévenus placés sous mandat de dépôt et laissé en suspens ceux mis sous contrôle judiciaire.

Une décision, ont affirmé certains avocats, qui suscite de lourdes appréhensions quant au sort de certains prévenus, notamment celui de Mohamed Meziane, PDG de la compagnie, poursuivis pour plusieurs chefs d’inculpation et contre lequel, le parquet a réclamé un mandat de dépôt. Le scandale n’est qu’à son début…