Le ministre de l’énergie et des mines semble éprouver tout le mal du monde pour se dépêtrer de ce dossier. La presse constitue, pour lui, un défouloir, faute de mieux. Le ministre l’accuse de se substituer à la justice, mais lui-même l’utilise pour tenter d’organiser sa défense. Cette relation amour-répulsion avec la presse n’est pas propre à Chakib Khelil, elle est un sport national. Tout le monde veut voir la presse parler en bien de lui. Mais Chakib Khelil n’est pas habitué à ce genre de traitement de la part de la presse, d’où ses réactions par trop maladroites. Pour Chakib Khelil, l’affaire Sonatrach ne constitue pas un scandale, mais un simple dossier entre les mains de la justice. Cette façon de minimiser la portée de l’affaire est, en soi, une manière de commenter, lui qui ne cesse d’inviter la presse à ne pas en faire de commentaires.

Chakib KhelilMais là où Chakib Khelil prêche par imprudence, c’est lorsqu’il tente de défendre les cadres supérieurs de Sonatrach, arguant que ce sont des cadres de l’État qui se sont dévoués pour la cause nationale. Ces affirmations font jaser plus d’un au sein du corps des magistrats instructeurs où les propos du ministre sont considérés comme un acte de mépris à l’égard de leur travail et leur métier. La justice n’est pas incohérente au point de se lancer dans une instruction contre des cadres supérieurs de Sonatrach, sans qu’elle ne dispose d’un maximum de preuves matérielles pour les mettre sous contrôle judiciaire ou sous mandat de dépôt. La présemption d’innocence est valable pour tous les justiciables, fussent-ils “hauts cadres de la nation”, tout comme l’est le respect des décisions de la justice. Pourquoi, alors, ce matraquage autour de l’instruction en cours dans l’affaire de Sonatrach ? Il est clair que le scandale – car il s’agit bel et bien d’un – de Sonatrach n’est pas un simple détournement de deniers publics, comme on en voit tous les jours. Sonatrach est la première entreprise du pays, elle est à la fois la vitrine et le Trésor du pays. Dans la seule affaire de passations de marchés de gré à gré, pas moins de six cadres dirigeants, deux fils du P-DG, ainsi qu’un ancien patron d’une banque publique sont mis en cause. Ce n’est pas rien. En plus, rien ne dit que la justice va s’arrêter aux seuls marchés de gré à gré passés par les mis en cause. Des enquêteurs planchent actuellement sur les dépenses faramineuses liées à l’organisation du prochain sommet du gaz prévu à Oran en avril prochain. Des enquêteurs scrutent également les marchés conclus à Hassi-Messaoud. Ce n’est peut-être qu’un morceau du gâteau Sonatrach qui a été porté à la connaissance de la presse nationale et, par voie de conséquence, à l’opinion publique. Et contrairement à ce que laisse entendre le ministre de l’Énergie et des Mines, la presse n’a aucun intérêt à accuser à tort des cadres ou des ministres, quelle que soit leur obédience – ou leur “clan”. Le seul problème qui se pose réside dans le fait que les instruments de contrôle de la Sonatrach et du ministère n’ont rien vu. En clamant son ignorance et son soutien aux cadres mis en cause, le ministre a voulu jeter un doute sur l’objet de l’enquête enclenchée par les services de sécurité. En refusant de se constituer partie civile, du moins pour ce qui concerne Sonatrach, le ministre laisse entendre qu’il n’accorde pas un grand crédit à l’instruction judiciaire en cours.

Les magistrats apprécieront.
Les sorties médiatiques du ministre de l’énergie et des mines sont d’autant plus incompréhensibles que ses collègues au gouvernement, dont les secteurs sont sous la loupe de la justice (travaux publics, transports, pêche), n’ont jamais réagi de la sorte, eux qui ont pourtant vu leurs chefs de cabinet, leurs secrétaires généraux et plusieurs de leurs directeurs centraux emprisonnés. Mais il serait incongru de croire que les propos de Chakib Khelil n’obéissant pas à une stratégie de défense, déclinée, sous la forme que la presse et la justice algériennes sont parties en croisade contre Sonatrach. Ce qui est en soi une riposte désespérée.