La fameuse pédale de ToyotaDepuis plusieurs semaines, le constructeur japonais doit faire face à un double dysfonctionnement. Tout d'abord, un problème de matériau constitutif d'une pièce qui, dans certaines conditions, peut se déformer et empêcher la pédale d'accélérateur soit de s'enfoncer, soit de remonter. "Nous prenons l'entière responsabilité de cette affaire. Même si elle provient de la pièce d'un fournisseur et non pas d'un problème à l'assemblage", affirme-t-on chez Toyota.

Par ailleurs, aux Etats-Unis, Toyota est confronté à un problème lié au tapis de sol, qu'il soit fixé ou non, qui peut coincer la pédale. Le 28 août 2009, quatre personnes avaient trouvé la mort dans une Lexus (ES350). La pédale d'accélérateur s'était coincée sur le rebord du tapis de sol en caoutchouc. Le conducteur n'avait pas pu arrêter le véhicule. La Lexus avait percuté un 4x4, fait plusieurs tonneaux, et s'était enflammée. "L'enquête a démontré que ce véhicule contenait un tapis qui provenait d'un autre modèle et qui n'était donc pas adapté à ce véhicule. C'est le seul accident avéré et vérifié", affirme-t-on chez Toyota.

Selon un groupe de consommateurs (Safety Research & Strategies), 2 274 cas d'accélération involontaire auraient été répertoriés, conduisant à 275 accidents et 18 morts depuis 1999. Toyota n'a pas confirmé ces chiffres.

Au Japon, l'affaire est remontée jusqu'au gouvernement. "L'ampleur du rappel est énorme, s'est alarmé Masayuki Naoshima, le ministre du commerce. La situation est sérieuse."

Ces nouvelles tombent très mal pour Toyota, d'autant que la qualité et la fiabilité sont ses obsessions numéro un. Elles ont fait la réputation mondiale de la marque et lui ont permis de détrôner General Motors. La crise que traverse Toyota pourrait donc lui coûter très cher. Sur le plan financier d'abord : le coût du rappel est estimé à 900 millions de dollars (647 millions d'euros). Le manque à gagner s'élèverait à 155 millions de dollars par semaine. Sans compter l'arrêt de la production, dont le coût serait proche de 500 millions de dollars, selon la Deutsche Bank. Tout cela risque de plomber un peu plus les comptes de Toyota. Après avoir enregistré des pertes de 437 milliards de yens (3,5 milliards d'euros) sur son exercice 2008-2009 (clos fin mars 2009), les premières de son histoire, le numéro un mondial espérait pouvoir les réduire cette année.

Sur le plan commercial ensuite : aux Etats-Unis, des analystes estiment que sa part de marché aurait chuté à 14,7 % en janvier, la plus basse depuis mars 2006. Dans le passé, certains constructeurs ont mis des années pour retrouver la confiance des automobilistes. Ford en est l'un des exemples les plus emblématiques. En 2000, des pneus Firestone équipant des 4x4 Ford Explorer éclataient à grande vitesse et avaient été à l'origine de 200 morts accidentelles. Au total, 6,5 millions de pneus avaient été retirés de la circulation, auxquels s'étaient ajoutés 13 millions en 2001. La facture s'était élevée à plusieurs milliards de dollars pour le constructeur.

Les déboires de Toyota pourraient faire des heureux. Brisant le silence qui règne en général lorsque ce type d'affaire survient, Carlos Ghosn, le patron de Renault et de Nissan, n'a pas hésité à déclarer, jeudi 28 janvier sur la chaîne américaine CNBC : "Les concurrents de Toyota vont bénéficier de ce problème à court terme." D'ores et déjà, les constructeurs américains proposent des primes aux nouveaux acheteurs. General Motors offre un rabais de 1 000 dollars ou un crédit à taux zéro sur soixante mois à tout conducteur d'une Toyota qui achèterait un de ses modèles.

Pour de nombreux spécialistes, la concurrence internationale de plus en plus féroce qui sévit entre les constructeurs expliquerait les problèmes de Toyota. Il a voulu grandir vite, peut-être trop vite. Comme ses concurrents, il est obsédé par la réduction de ses coûts et le raccourcissement des délais de conception. Cette pression croissante sur les fournisseurs a pu porter atteinte au contrôle qualité.

Selon Keinosuke Ono, professeur à l'université Chubu à Kasugai, au Japon, cité par l'Associated Press, les problèmes de Toyota traduisent ses difficultés à préserver la qualité de ses standards dans ses usines en dehors du Japon. "Toyota a ouvert tellement d'usines pour devenir un constructeur international qu'il était inévitable, à un moment, que le niveau de qualité soit en danger", reconnaît-il.

Les campagnes de rappels de véhicules sont devenues presque banales. Vendredi, Honda a annoncé le rappel de 640 000 voitures en raison d'un défaut technique affectant le système d'ouverture des vitres. En octobre 2009, Ford a rappelé 4,5 millions de véhicules qui souffraient d'un défaut au niveau du régulateur de vitesses. Fin 2009, Fiat avait fait de même pour 500 000 Grande Punto, dont 32 000 en France, afin de vérifier le serrage d'une pièce. En général, ces opérations sont préventives et gratuites. Elles sont le plus souvent liées à un défaut constaté par le constructeur et dont les automobilistes ne s'étaient même pas rendu compte.