Toute sa direction, à commencer par son PDG, est actuellement poursuivie pour une affaire de malversations. Le juge d’instruction du pôle judiciaire spécialisé de Sidi M’hamed près la cour d’Alger a inculpé quatorze personnes, sept ont été mises sous mandat de dépôt, dont les deux enfants du PDG, l’ancien patron du CPA et son fils, deux vice-présidents de Sonatrach et un entrepreneur privé, alors que deux autres vice-présidents et quatre cadres de la compagnie ont été placés sous contrôle judiciaire pour, entre autres, violation de la réglementation des marchés publics et association de malfaiteurs.

Siège de la SonatrachDe lourdes accusations qui relèvent du tribunal criminel, même si l’ensemble des mis en cause bénéficient (jusqu’à ce que leur culpabilité soit reconnue par le tribunal) du droit à la présomption d’innocence. Selon des sources proches du dossier, l’affaire n’est pas des moindres. Elle concerne, encore une fois, les marchés de gré à gré octroyés à des sociétés préalablement choisies, par personnes interposées évoluant dans l’entourage des responsables de la compagnie en contrepartie de commissions, pour ne pas dire pots-de-vin, donc corruption. C’est ainsi que le marché des installations de sécurité a été octroyé à une société allemande, représentée en Algérie, par le bureau d’études appartenant à l’ancien patron du CPA, Maghaoui et son fils et ce, grâce à l’intervention de l’un des enfants du PDG de Sonatrach. Il est vrai que la compagnie a le droit d’octroyer des marchés de gré à gré, mais uniquement dans des situations très précises, comme celles édictées par l’urgence ou après que les appels d’offres soient déclarés infructueux. Or, dans le cas des installations de sécurité, pour l’activité du transport par canalisation (TRC), cela n’a pas été le cas.

L’Etat, propriétaire de cette compagnie qui assure 80% des rentrées de l’Algérie, n’a pas mis les outils nécessaires pour la protéger des dérives de la mauvaise gouvernance, en dépit des antécédents malheureux, comme l’affaire BRC (Brown Roots and Condor), une société algéro-américaine, que dirigeait Moumen Ould Kadour, liée justement à l’obtention (par celle-ci) de marchés (surfacturés) de gré à gré auprès de Sonatrach. De nombreux cadres de la compagnie n’ont cessé d’alerter les pouvoirs publics sur certains actes de gestion, notamment de l’activité centrale, qui font saigner sa trésorerie et entachent gravement son image de marque. Les exemples ne manquent pas. Parmi eux, ils citent plusieurs marchés d’un montant dépassant les 300 millions de dollars, octroyés de gré à gré ou avec des consultations restreintes à des sociétés retenues préalablement grâce à des intermédiaires évoluant autour de la personne du PDG, de son ancien chef de cabinet, actuellement en poste à l’étranger.

C’est le cas de la réalisation d’une piscine à Alger, décrochée par le groupe Five Afrique du Sud, lequel, à son tour, a sous-traité avec une société turque, que certains présentent comme une connaissance de l’épouse (Turque) d’un haut responsable en poste à l’étranger, proche de Chakib Khelil, le ministre de l’Energie. Une fois achevé, l’ouvrage s’est avéré être non conforme aux normes, puisque des malfaçons ont été relevées. D’autres marchés, comme la réalisation du Petrolium club à Zéralda, et du Tennis club de Hydra, donnés à Berry USA, ou encore celle du parking restaurant de la direction générale de Sonatrach, remis à CPMG France, ainsi que l’aménagement des bureaux (de repos) du 10e étage (de la DG), par l’américaine CCIC, ont tous connus le même cheminement, suscitant les plus folles rumeurs sur les « commissions » versées pour l’obtention de ces marchés. Plus lourdes encore ont été les interrogations soulevées par le recrutement des trois enfants (deux garçons et une fille) du PDG et de son gendre au niveau de la compagnie, en tant que cadres et les grandes facilités qu’a pu obtenir l’un d’eux, auprès de Naftal, pour renforcer les activités de sa société de transport de carburant.

Autant dire que la gestion de la compagnie pétrolière était loin de répondre aux normes en matière de bonne gouvernance en dépit des nombreux cadres supérieurs intègres qu’elle recèle mais qui étaient malheureusement totalement marginalisés pour leur honnêteté. Il est vrai que pour l’instant, ce ne sont que quelques marchés sur près de 2000 qui ont fait l’objet d’une instruction judiciaire, mais il reste que l’affaire ne peut être limitée uniquement au PDG et à ses quatre vice-présidents, dans la mesure où, tous les actes de gestion de ces derniers ne peuvent être accomplis sans que le ministre de l’Energie n’en soit informé. Politiquement, il assume l’entière responsabilité. En tout état de cause, le dossier, actuellement en instruction au niveau du tribunal de Sidi M’hamed, risque de connaître de nouveaux rebondissements dans les jours à venir. Selon des sources sûres, d’autres dossiers liés à la gestion des dépenses de la compagnie vont faire tache dans les annales de cette entreprise, devenue une caisse noire de certains de ses dirigeants et de pontes du système non encore cités dans l’affaire.