La tomate affiche entre 95 et 140 DA le kilo, l’oignon, la pomme de terre et les fèves dans l’ordre de 50, 60 et 80 DA le kilo. Quant aux petits pois et haricots verts, ils sont cédés à 140 DA le kilo. A les voir ainsi affichés, ces prix sont subis par les consommateurs comme une électrocution, au point où ils qualifient le marché aux légumes d’enfer vert. « Je ne vais plus au marché. Il me fait peur. A voir les prix des légumes, je me sens en enfer. A la maison, le frigidaire est souvent vide. En plus, nombreux parmi nous ne travaillent pas », explique un père de famille. « Aujourd’hui, relève un autre chef de famille, nous n’achetons pas les légumes au kilo. Quand je suis face aux étals, je choisis deux tomates ou deux pommes de terre et je demande au marchand de les peser pour ensuite les prendre. Et puis, il n’y a pas que les légumes qui sont chers. Il y a aussi le lait.
LEG Un litre de lait en boîte coûte 70 DA. Nous sommes obligés de l’acheter car il y a pénurie de lait en sachet ; en plus, celui-ci est de mauvaise qualité. Les prix des légumes secs sont aussi exorbitants. Les lentilles et les haricots blancs sont cédés respectivement à 180 et 160 DA le kilo. Comme un kilo de lentilles importées du Maroc coûte 200 DA. Je touche 14 000 DA par mois. Or, il faut un salaire de 100 000 DA pour survivre. En plus, le visa coûte 70 millions de centimes. Ainsi, nous vivons dans une prison. » Pour les fruits, rétorque son voisin, « si tu les croises un jour sur ton chemin, tu leur passes un bonjour de ma part ». Les deux fruits de saison, les oranges et les mandarines en l’occurrence, affichent de 120 à 140 DA le kilo. Un autre consommateur, non sans colère, constate que « même si on me double mon salaire, je suis dans l’incapacité de subvenir au besoin de ma famille.

Les députés se plaignent de la cherté de la vie alors qu’ils touchent un salaire de 30 millions de centimes .Que dire de notre côté ? Les pouvoirs publics nous endorment avec la qualification de l’équipe nationale de football en Coupe d’Afrique et en Coupe du monde, entre-temps, ils augmentent les prix des produits alimentaires. Nous ne mangeons pas à notre faim. Voilà ce que nous récoltons de l’euphorie trompeuse suscitée par le slogan ‘l’Algérie qui gagne’ ». Côté marchands, c’est aussi colère et amertume : « Etre marchand de légumes dans ce pays relève de la malédiction. Les prix augmentent chaque hiver car ces denrées ne sont pas disponibles en quantité suffisante sur le marché. En plus, ce sont les marchands en gros qui influent sur les prix. Nous écoulons de l’oignon congelé et des légumes hors saison cultivés sous serre. Cela dit, le consommateur n’est pas obligé d’acheter de la laitue ou des haricots verts. Les produits de base sont l’oignon et la pomme de terre. » Un autre marchand indique qu’« en saison d’hiver, il est difficile pour les agriculteurs de mener leurs opérations de récolte dans de bonnes conditions car la terre est boueuse. Ainsi, l’offre est insuffisante pour satisfaire la demande. Ce qui provoque la flambée des prix... ». Argument réfuté par un autre commerçant : « Un agriculteur qui ne peut pas travailler pendant l’hiver n’est pas un agriculteur. Dans les années 1950 et 1960, nous assurions la récolte en pleine neige. Dire que la boue entrave l’opération de récolte relève de l’aberration. Le problème réside dans l’absence de l’Etat, notamment au niveau des marchés de gros qui sont gérés de manière anarchique. D’où la spéculation sur les prix des légumes. De ce fait, les marchands ne doivent pas s’approvisionner. De leur côté, les consommateurs, à leur tour, ne doivent pas acheter de légumes qui coûtent cher. Personnellement, j’ai trouvé de la tomate sur un marché de gros à 140 DA le kilogramme, j’ai refusé de l’acheter. En plus, le transport nous revient cher. Le transporteur nous demande 1000 DA la course de Bouguerra à Alger et 1200 DA de Boufarik à Alger. »

Un autre marchand explique que la marchandise passe par plusieurs intermédiaires avant d’atterrir chez le détaillant : « Les normes d’écoulement des marchandises consistent en ce que l’agriculteur cède sa récolte au mandataire, lequel à son tour l’écoule auprès du marchand de détail. Ce dernier approvisionne ensuite le consommateur. Or, les mandataires cèdent la récolte à des intermédiaires et marchands ambulants, souvent sans facture. Comme beaucoup parmi ces mandataires, marchands ambulants ou intermédiaires ne possèdent pas de registre du commerce, ils travaillent sans facture et ne payent pas d’impôts. Ainsi, la marchandise passe par plusieurs mandataires avant d’atterrir chez le détaillant. Tant que l’Etat ne réorganise pas le marché de gros et ne met pas fin à l’anarchie qui y prévaut, les prix des légumes demeureront soumis au phénomène de la spéculation. »