L’Algérie toute entière retiendra son souffle dès le coup d’envoi de ce match de «barrages» tenu dans un concours de circonstances incroyablement orchestré par des mains de spécialistes en coulisses. Saifi Car samedi dernier, la seconde mi-temps de la confrontation entre ces deux sélections durant ces éliminatoires du groupe C ne pouvait que consacrer la suprématie des Algériens de Rabah Saâdane. Un coup du sort, la chance et une seule erreur d’arbitrage ont envoyé les Verts à Khartoum pour une dernière explication, ce soir à Omdurman. Un rendez-vous historique. Chaque sélection cherchera une troisième participation à une phase finale du Mondial. Les Egyptiens, invités au Mondial 1934, qui ne sont plus qualifiés à une telle manifestation depuis cette date de la préhistoire des tournois finaux d’une Coupe du monde, se targuent aujourd’hui d’avoir été la cause de la dégringolade du football algérien. Ils sont fiers d’avoir coupé le fil conducteur qui avait permis à l’EN de prendre part en Espagne en 1982 et à Mexico en 1986 à la Coupe du monde. Une fierté mal contenue dans les déclarations qui ont précédé et suivi le tristement célèbre match du 14 novembre. «Les Algériens me haïssent (sic) car je suis derrière leur élimination de la CM de 1990», se rappelait le bigre Ibrahim Hassan, l’auteur du bras d’honneur au stade de l’Unité maghrébine de Béjaïa lors d’un certain JSMB-El-Misri comptant pour la Coupe de l’UNAF. La messe dite au cours de la soirée de la mort organisée au Cairo Stadium résonne encore dans les esprits de tous ceux qui ont pris place dans cette enceinte pharaonique. Le film de l’horreur subie par les Algériens, tous les Algériens, défile encore. Comme s’il s’agissait d’un long feuilleton charabia de Misr Oum Dounia. Les coéquipiers de Karim Matmour, le joueur le plus touché par la terreur qui a régné l’autre soir au Caire, en gardent des séquelles. De profondes, même. Ce sont ces stigmates qui pousseront ce soir à la révolte. «On a subi toutes sortes de pression et d’agression. La plaie est encore ouverte. Ce qui s’est passé est trop grave. Ils nous ont dit de jouer le match et on l’a fait pour ne pas le perdre (sur tapis vert). Après le caillassage du bus, la moitié de l’équipe était vraiment touchée au moment d’entrer sur la pelouse. En plus, ça se passe dans un pays arabe, chez des frères, soi-disant. Quand je vois ça, je m’excuse, mais il n’y a pas de frères. Si pour en arrive là, il vaut mieux arrêter le football et exercer un autre métier. Je préfère garder ma vie et ma famille. Parce que, si on avait gagné là-bas, il y eu aurait certainement des morts. C’est le pire souvenir de ma carrière et le dernier de ce genre, je l’espère», confiera Rafik Saïfi au micro de RMC. Pour le vieux renard des surfaces, malheureux samedi soir devant El-Hadary, la page est désormais tournée. Khartoum en est une autre, plus belle, plus fraternelle, prometteuse en tout cas. «Ça change tout. On se croirait en Algérie. Le public était là avant notre arrivée. Au niveau mental, on a essayé d’oublier. On ouvre une autre page. Ce sera un autre match sur terrain neutre, un match d’hommes. On va montrer de quoi nous sommes capables donner un peu de bonheur au peuple algérien, qui a souffert avec nous», ajoutera celui qui avait le but de la qualification au bout du pied s’il avait réussi son lob devant le portier égyptien. «La mère des batailles à Omdurman» Les souffrances sont certes là, omniprésentes. Mais la volonté de reprendre le fil conducteur est là. Impitoyable. Saâdane l’avait compris lui qui, au coup de sifflet final du Sud-Africain Jérôme Damon, au Caire, avait laissé entendre que Khartoum est la dernière escale avant l’atterrissage à Johannesburg en juin prochain. «La qualification se jouera finalement à Khartoum. Nous y étions préparés car, au fond, un billet au Caire aurait entraîné des malheurs », a-t-il confié à ses joueurs et aux responsables de la Fédération. Le Cheikh sait pourtant que la partie n’a rien d’une démonstration folklorique. A Omdurman, ce sera la mère des batailles, en fait. A l’arrivée, dimanche, de l’équipe au Soudan, l’ambiance a totalement changé. Les Algériens ne sont plus en terrain hostile. L’accueil des Soudanais fut chaleureux. L’humilité et la fierté de soutenir l’Algérien affichées par les passants qui se sont rangés devant le terminal de Khartoum Airport ont mis du baume dans les cœurs. La chaleur humaine a redonné le sourire aux Algériens. Karim Matmour, en premier. 24 heures auparavant, était encore sous le choc. «Je n’oublierais jamais ce séjour en Egypte», se contentera de dire l’attaquant vedette de Mönchengladbach. «Pour moi, la délivrance, c’est ce soir», assurera celui qui a été l’un des éléments les plus chauds à aller au charbon lors de la séance d’entraînement organisée lundi soir sur le terrain du stade d’El- Merrikh. Un entraînement marqué par la présence du public, des Soudanais nombreux à venir donner de la voix, mais aussi des Algériens. Les premières vagues affluaient depuis lundi, tôt le matin, du pays. Hier, la capitale de l’ancienne Nubie était tout en couleur. Le rouge était éclatant, le vert débordant. Aujourd’hui, le match Egypte-Algérie se jouera sur un terrain neutre. Les Egyptiens n’ont plus la main. «Nous sommes avec vous. Vous avez été victimes d’une injustice là-bas. L’arbitre n’a pas été correct à la fin en fermant l’œil sur le ballon d’El- Mohammadi qui avait complètement franchi la ligne. Il y avait aussi position de horsjeu de Motaeb suite au retrait de Mouadh. Les Egyptiens n’ont aucune chance de gagner demain (aujourd’hui, Ndlr). Ils savent bien que vous êtes les plus forts, c’est pour cela qu’ils sont en train de s’agiter en notre direction pour solliciter notre soutien. Ils savent que nous leur serons d’aucune utilité. Lors du match entre le Soudan et le Tchad, transféré par la Fifa au Caire, leurs fans ont supporté les Tchadiens. Aujourd’hui, ils disent que nous sommes leurs frères et qu’ils ont notre soutien, ce qui est de la pure fabulation. Les Soudanais n’oublieront jamais, jamais», nous dira l’un des guides réquisitionnés par l’ambassade d’Algérie au Soudan. Forcené du club Hilali (supporter du club d’Al-Hilal qui a atteint cette année les demi-finales de la C2 africaine et a été éliminé par les Congolais du TP Mazembe, adversaire de l’ES Sétif en finale de cette épreuve), Idriss est convaincu que l’Algérie fera le voyage en Afrique de Sud, l’été prochain. «Vous avez des joueurs de grand talent comme Ziani, Saïfi et Bougherra. Je me demande pourquoi Hadj Aïssa n’est pas là», dira-t-il. Le stratège sétifien, «Baggio Al-Arab», comme se plaisent à le surnommer les Soudanais, a laissé des souvenirs indélébiles dans l’esprit des fans de ce grand club lors de son passage en décembre 2008 à Khartoum. L’ESS s’était en effet imposée 1 à 2 avec à la clé une belle démonstration de l’enfant de Merouana. Idriss n’oubliera pas de demander des nouvelles du gardien de la JSK, Fawzi Chaouchi (aujourd’hui à l’ESS) qui était venu disputer un match de la coupe de la CAF contre El- Merreikh (3-1). Quand il apprendra qu’il sera le portier titulaire ce soir, Idriss aura un ouf de soulagement en confiant : «C’est une vraie araignée, les Egyptiens ont de quoi être inquiets.» L’armée de réserve de Saâdane Battue, mais pas abattue, la sélection nationale s’est retapée le moral à Khartoum où elle séjourne depuis dimanche. Les blessures sont pansées. Le stress évacué. A l’entraînement, dans le lieu de leur hébergement, le luxueux Bordj-El-Fateh, ou bien au contact des petites gens, employés de l’établissement appartenant au fils de Mouammar Al-Kadhafi, les hommes de Saâdane semblent renaître de leurs cendres. Les blessés, Matmour, Yahia, Saïfi et surtout Halliche, seront tous sur le pont, ce soir. Le travail du staff médical a été fructueux. L’immense chantier qui attendait Saâdane, qui était de retaper le moral sapé non pas par la défaite qui a empêché une qualification directe mais par les violences subies en Egypte, a été réalisé en un temps record. L’environnement de terreur du Caire a laissé place à l’hospitalité et à la fraternité, la vraie, des Soudanais. Le sélectionneur n’est pas désarmé. Il a en Djebbour, Ghilas, Bouaza, Chaouchi, Babouche et autres Yebda et Abdoun des solutions de rechange de premier choix. Des changements, ce soir, face aux vieux de Maâlem Shehata, Saâdane ne devrait pas trop en opérer. Seul Chaouchi et Yebda sont à coup sûr annoncés dans le onze rentrant en remplacement des suspendus Gaouaoui et Lemouchia. De petites retouches concerneront probablement le dispositif tactique qui devra certainement privilégier l’option offensive. Saâdane, qui a imposé le huis clos à la presse nationale, semble déterminé à gagner la «belle».