De ce militant de la première heure, nous ne savons pas tout ; la recherche historique prendra certainement sur elle de combler ces lacunes. Nous osions cependant espérer que lui-même y contribuerait par la publication de ses propres mémoires. Il s’était bien mis à l’œuvre mais voilà que la maladie l’emporte avant qu’il n’arrive au bout de son projet.

Rabah BouazizCe que nous savons, c’est qu’ancien militant du MTLD puis syndicaliste en France, il est arrêté et transféré à la prison Barberousse à Alger. Après six mois de détention, il est libéré. Il rejoint alors les maquis de la wilaya 4 où il devient commissaire politique sous les ordres du colonel Sadek (Dhilès). Ce dernier, probablement en accord avec Abane Ramdane le fait muter en France avec pour mission de restructurer l’Organisation spéciale en vue d’une prochaine offensive sur le territoire français. C’est bien lui qui reçoit par délégation de pouvoir le commandement des premières cellules clandestines mises sur pied entre 1956 et 1957 par Abdelkrim Souici, Ahmed Doum et Moussa Kebaïli.

Après la vague d’arrestations qui touche les premiers responsables de la fédération de France du FLN durant les trois premiers mois de 1957, Tayeb Boulahrouf, avec l’aval de Krim Belkacem, assure la direction provisoire du comité fédéral en attendant la réunion du CCE. Ce nouveau comité fédéral va être constitué de Kaddour Ladlani, Ahmed Boumendjel, Zine El Abidine Moumdji, Abdelkrim Souici et Rabah Bouaziz.

En 1957, la mission de Bouaziz semble être de renforcer un comité fédéral amoindri par les arrestations de ses cadres mais plus spécialement celle de mettre sur pied un véritable organe paramilitaire. En réalité, sa présence sera surtout d’appliquer sur le territoire français la stratégie militaire que le CCE, avec Abane et Ben M’hidi, développe en Algérie.

En ce début d’année 1957, on assiste en effet à une radicalisation de la lutte armée en Algérie, et les grèves spectaculaires destinées à consacrer la représentativité du FLN ouvrent la voie à une offensive sans précédent des forces de répression coloniales. Pendant les débats de l’ONU sur la question algérienne, trente condamnés à mort sont exécutés ; des centaines d’arrestations ont lieu, suivies de tortures et d’exécutions sommaires. Larbi Ben M’hidi en est l’une des plus célèbres victimes. C’est dans ce contexte que Bouaziz est envoyé en France. Il va prendre en charge les “groupes de choc” et l’embryon d’organisation paramilitaire qu’Ahmed Doum et Abdelkrim Souici avaient mis en place en 1956 pour en faire des unités de combat. Son objectif principal est de développer en France les actions armées destinées à amener le gouvernement français à négocier avec le seul FLN.

Au printemps 1957, lorsque Moussa Kebaïli rencontre Bouaziz en présence de Kaddour Ladlani, il comprend que l’objectif fixé par la direction politique est, cette fois, la mise sur pied d’une véritable structure militaire tout à fait différente de la première “Spéciale”.

Au sommet de la pyramide, le seul répondant de “Madjid” Aït Mokhtar dans l’organisation est désormais “Saïd” Bouaziz. Dès lors, tous les ponts entre l’organisation politique et “la Spéciale” sont rompus aux niveaux intermédiaires et subalternes.

L’O. S. devient une branche de l’ALN en France.
Les témoignages recueillis auprès des membres actifs de l’O. S. qui en font mention insistent tous sur sa rigueur morale, sa sévérité et son sens très élevé du secret. Parlant des moments qui avaient précédé le déclenchement de l’offensive d’août 1958 sur le territoire français, certains acteurs restent très marqués par l’intransigeance extrême de leur responsable. À cette intransigeance dans le respect des règles de la clandestinité s’ajoute chez Bouaziz une sorte de rigueur morale très puritaine qui a aussi marqué la mémoire des hommes de la Spéciale.

Un peu plus tard, alors que la guerre tire à sa fin, Bouaziz charge son épouse Salima Sahraoui de la prise en charge des militantes recherchées de la Fédération de France du FLN. Beaucoup d’entre elles ont trouvé secours auprès de l’organisation et en ont témoigné. Une fois la guerre terminée et l’indépendance proclamée, Rabah Bouaziz est nommé préfet d’Alger. Parmi les actes qui peuvent être mis à son actif, il faut rappeler la décision qu’il avait prise de rétrocéder aux anciens militants de la Fédération de France du FLN et à toutes les petites gens les petits commerces qu’ils avaient acquis et dont ils avaient été dépossédés par une décision bureaucratique du pouvoir exécutif de l’époque.