Amar LaskriC'est ce que l'on vient d'apprendre, de la bouche même du cinéaste Amar Laskri, chargé de sa réalisation et qui planche actuellement sur un scénario mettant en scène un groupe de Harragas, tous originaires de la ville Annaba. Tel que présenté, le synopsis du film donne un avant-goût de cette folle traversée que n'hésitent pas à entreprendre de plus en plus de jeunes algériens au péril de leur vie et souvent à l'insu de leurs parents. Mis devant un choix douloureux, nombre de ces jeunes "aventuriers" se disent aujourd'hui prêts à "pourrir en mer que de mourir à petit feu sur terre".

Et puis la mer ne semble pas leur faire pas peur autant que la mal vie qu’ils redoutent par-dessus tout et à laquelle ils se disent confrontés quotidiennement dans leurs pays. "Je n'ai pas peur de mourir en mer mais j'ai peur de vivre…dans ce pays. En réalité, l'Algérie c'est pire que la mer où le gros poisson mange le plus petit..." dit amèrement un personnage du film. C'est en somme, un film d'aventures, un véritable drame qui ne jette pas moins le trouble sur la position ambiguë que campent jusqu'à maintenant les pouvoirs publics soupçonnés dans le film par la mère éplorée d’un harrag disparu en mer, de s'accommoder de ce phénomène nouveau dans le pays.

En effet, faute de prévenir en amont ces départs aussi massifs que réguliers, le rôle des autorités semble se confiner pour l'heure dans le sauvetage en mer ou encore dans le repêchage des corps complètement décomposés. Les statistiques fournies, ça et là, sont bien évidemment loin de refléter la profondeur et la réalité qu'on prête à cette immigration par définition clandestine. Par ailleurs, les chiffres avancés par le gouvernement quant aux réalisations, à l'embellie financière du pays, le recul du chômage, le retour de la croissance sont vertement contrariés par ces jeunes algériens qui fuient comme dit un autre personnage du film "Bled Mickey qui ne donne qu'aux riches ! ". L'auto satisfecit que s'accorde les dirigeants du pays est ainsi battu en brèche notamment par le désarroi insoutenable vécu par les parents restés à terre, sans nouvelles de leurs proches. Il est surtout à espérer qu'une fois porté à l'écran le phénomène d'El Harga puisse diminuer en ampleur.

Merzak AllouacheS’agissant du film en préparation actuellement par Merzak Allouache « Harragas » ou encore celui au vitriol de Tarek Teguia « Roma wala ntouma » sur le même sujet de la Harga, le cinéaste Amar Laskri, lui, «ne trouve aucun inconvénient à ce que plusieurs voix s’expriment et que même différentes voies s’esquissent autour de ce thème pour trouver une parade à cette tragédie vécue par l'Algérie post-indépendante". Il y a, il est vrai, comme une urgence en demeure car comme dirait le poète Renaud dans cette situation extrême : "ce n'est pas l'homme qui prend l'homme mais la mer qui prend l'homme ».