Di-AntalvicDésormais, pour faire face au mal de dos, à la rage de dents et autres douleurs chroniques, le malade ne doit plus avoir recours au Di-Antalvic et ses génériques. Le ministère de la santé vient de décider de retirer cet antidouleur du marché. Cette mesure sera néanmoins appliquée de manière progressive. Un délai de cinq mois est, en effet, accordé aux fabricants. Dans une note datant du 8 juillet, le ministère, par le biais de la direction de la pharmacie, informe les producteurs que “les produits contenant du dextropropoxyphène doivent être retirés du marché. Le rapport bénéfice-risque étant prouvé négatif”.

La tutelle demande également aux opérateurs de prendre les dispositions nécessaires pour ne plus fabriquer ce médicament et d’écouler leurs stocks, s’ils existent, au plus tard le 31 décembre prochain. “À cette date, toutes les décisions d’enregistrement seront annulées”, indique encore la note. À vrai dire, la direction de la pharmacie a emboîté le pas à l’agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) qui a déjà pris cette décision il y a plus d’un mois. L’Afssaps a, elle-même, suivi la recommandation de l’agence européenne du médicament (EMEA). Celle-ci estime que ce médicament opiacé antidouleur, le dextropropoxyphène, souvent associé au paracétamol dans le Di-Antalvic et ses génériques, est à l’origine de surdoses fatales depuis plusieurs années.

Il peut causer des risques sanitaires certains sur le consommateur. Le Di-Antalvic contient une matière active à savoir le chlorhydrate de dextropropoxyphène dans laquelle réside le problème, expliquent certains spécialistes. D’autre évoquent un phénomène de dose. Certains patients consomment ce médicament, arguent-ils, de façon anarchique. D’où les complications qu’il engendre sur la santé du malade, en dépit des recommandations des médecins et des pharmaciens. Pour d’autres observateurs, la véritable raison qui a motivé l’EMEA dans sa décision est que le dextropropoxyphène (DXP) seul ou associé à un antalgique (le paracétamol) présentent une balance bénéfices-risques largement défavorable. Tout a commencé en 2005. Cette année-là, le Royaume-Uni et la Suède décident de retirer ces médicaments de leurs officines en raison d'un nombre élevé de décès par intoxications volontaires (suicides) ou accidentelles. Deux cents morts/an sont enregistrés en Suède et entre 300 et 400 au Royaume-Uni dont 80% par surdose volontaire à ce médicament. À la suite de ces alertes, l’Afssaps demande au réseau des centres antipoison de mener une enquête. Les résultats sont moins catastrophiques. “En surdosage, lors d'intoxications volontaires, le nombre de décès dus à ce médicament est estimé à 65 par an”, indique l'Afssaps. Ce qui a poussé un spécialiste à lancer ironiquement : “Le Di-Antalvic est surtout prescrit en France et essentiellement utilisé pour se suicider par les Anglais et les Suédois.”

En 2007, la Commission européenne a saisi l'EMEA afin que soit menée, à l'échelle européenne, une réévaluation du rapport bénéfices-risques de ces produits. Dans ses conclusions, l'EMEA justifie son avis défavorable en mettant en avant l'insuffisance des preuves d'efficacité thérapeutique de l'association DXP-paracétamol par rapport à l'utilisation du paracétamol seul dans la douleur aiguë ou chronique. De plus, la différence entre la dose thérapeutique et la dose toxique n'est pas suffisamment importante pour garantir la sécurité des patients. Pour rappel, le dextropropoxyphène a été retiré du marché en Suisse en 2003, en Suède en 2005. En Angleterre et au Pays de Galles, le retrait définitif y était programmé pour fin 2007. En janvier 2009, un comité de spécialistes réunis par la Food and Drug Administration (FDA) s’est prononcé pour son retrait du marché américain.

L’Afssaps remarquait en 2005 que le dosage en paracétamol se limitait à 8 g maximum par boîte, une limite inférieure à celle retenue dans les pays concernés. Contre la douleur, “il n’est pas démontré que l’association dextropropoxyphène et paracétamol soit plus efficace que le paracétamol seul”, affirme un médecin spécialiste. L’Algérie va de ce fait en amont avec ces mesures préventives et les services concernés ont suivi la décision européenne. Ainsi, une vingtaine de jours après la décision des autorités sanitaires françaises de retirer de la vente l’antidouleur Di-antalvic, en Algérie, le ministère de la Santé prend une mesure similaire. L’on se demande d’ailleurs pourquoi avoir attendu les instances sanitaires françaises pour prendre une telle décision. La mesure est prise par l’Afssaps qui est une agence française.

Et par souci de souveraineté, la logique voudrait que ce type de décisions soit pris par une institution homologue en Algérie. L’agence du médicament existe bel et bien sur papier, mais elle attend toujours sa mise en place effective dans notre pays. C’est à cette agence qu’échoit le rôle de suivi et de contrôle sanitaire. Une autre question mérite aussi d’être posée : la décision de retrait de ce produit du marché a, en principe pour motif, ses répercussions négatives sur la santé du consommateur. Pourquoi alors ne pas le retirer immédiatement du marché et détruire les stocks existants ? Pourquoi accorder un délai de 5 mois pour les fabricants ? Dans une récente déclaration, le président du Syndicat national algérien des pharmaciens d’officine (Snapo), Messaoud Belmbri, a précisé à ce propos que la mesure européenne est beaucoup plus à titre préventif et que les risques dus à la prise de ce médicament ne méritent pas un retrait brusque du marché. La procédure de ce retrait serait en outre enclenchée avec l’interdiction d’importation de la matière première composant ce médicament. Cette démarche va se poursuivre jusqu’à l’épuisement du stock disponible sur le marché local. Le médicament disparaîtra donc des officines algériennes progressivement.

En d’autres termes, il ne s’agit pas d’une urgence de santé publique. Reste à savoir comment les laboratoires qui fabriquent ce produit se comporteront face à cette décision. Le délai de 5 mois qui leur a été accordé sera-t-il suffisant pour se préparer à proposer des solutions de substitution à ce médicament ? L’alternative existe. Pour les spécialistes, il vaut mieux aider les patients à s'en passer et à utiliser d'autres antalgiques, en particulier le paracétamol seul.