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Ce toilettage de la Constitution a été voulu par Bouteflika dans le but affirmé de «consolider la démocratie» dans le contexte du «printemps arabe» qui a peu affecté l’Algérie.

Réunies en Congrès, les deux chambres du Parlement, dominées par les partisans de Bouteflika, devraient adopter sans surprise dimanche le projet qui sera présenté jeudi par le Premier ministre Abdelmalek Sellal. Il n’y aura ni débat, ni nouvel amendement.

«Le Front de Libération Nationale soutient avec force le projet de révision de la Constitution et va voter oui» et «ne renoncera jamais à son soutien au président Bouteflika», a annoncé mardi son secrétaire général Amar Saadani.

Le texte est en revanche critiqué par l’opposition, dont certains députés boycotteront le vote.

«Cette initiative ne met pas l’Algérie au centre de ses préoccupations mais seulement le régime politique en place dont elle est destinée à protéger les intérêts et l’hégémonie», a dénoncé l’ancien Premier ministre Ali Beflis, adversaire malheureux de M. Bouteflika en 2014 et qui dirige le parti Avant-Gardes des Libertés.

Pour le FFS, «ce projet n’est qu’une continuité du feuilleton de la violence constituitionnelle exercée contre le peuple algérien».

La principale disposition du texte est le rétablissement de la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels. Sa suppression en 2008 avait permis à Bouteflika, élu en 1999 puis réélu en 2004, de pouvoir se présenter de nouveau aux présidentielles de 2009 et 2014.

En présentant le projet début janvier, le chef de cabinet de Bouteflika, Ahmed Ouyahia, avait expliqué qu’en 2008 le chef de l’Etat avait répondu à un appel du peuple lui demandait de demeurer en poste. Mais désormais «l’alternance démocratique au pouvoir par la voie des urnes sera (…) confortée à travers la réélection du président de la République une seule fois», a-t-il expliqué.

En 2014, l’annonce d’une nouvelle candidature du chef de l’Etat avait donné lieu à des manifestations, notamment à l’initiative du mouvement Barakat. Il avait réclamé au Conseil constitutionnel une procédure d’empêchement de Bouteflika, affaibli par un AVC survenu en 2013, après sa prestation de serment.

L’un des points les plus controversés du projet est l’interdiction faite aux Algériens ayant une autre nationalité «l’accès aux hautes responsabilités de l’Etat et aux fonctions politiques».

Cette mesure soulève la colère de binationaux qui se comptent par centaines de milliers, notamment en France où l’émigration algérienne n’est plus seulement composée d’ouvriers mais aussi de cadres de hauts niveaux et d’universitaire. Ils sont ainsi privés d’aspirer à l’exerice de «hautes fonctions» dans leur pays d’origine pour présomption de liens avec des puissances étrangères.

Une douzaine d’associations d’Algériens établis en France ont dénoncé le projet «excluant une partie du peuple» et demandé le retrait d’une dispostion jugée «injuste» et «discriminatoire». Un appel à manifester samedi devant l’ambassade d’Algérie à Paris a été lancé.

Le projet de révision introduit en préambule la préservation de la «politique de paix et de réconciliation nationale» mise en œuvre par Bouteflika pour mettre fin à la «tragédie nationale», expression désignant la guerre civile qui a fait plus de 300.000 morts dans les années 90. Cette disposition va empêcher d’établir la vérité sur cette sombre page de l’histoire de l’Algérie, regrette Amnesty International.

Les parlementaires vont par ailleurs accorder au tamazight le statut de langue officielle, une vieille revendication des berbérophones, notamment en Kabylie, dans les monts du Chenoua, dans les Aurès et dans le Sahara.

Le tamazight avait été reconnu en avril 2002 comme deuxième «langue nationale» à côté de l’arabe, désormais érigée en langue de l’Etat et gardant ainsi sa prééminence.

La promotion de la langue berbère fait partie des «avancées» que contient le projet, avec le droit octroyé à l’opposition de saisir le Conseil constitutionnel, l’autonomie de la Justice ou le principe de l’alternance au pouvoir, estime le politologue Rachid Krim. Mais «c’est la pratique qui nous dira si l’armée gardera son influence sur la vie politique ou pas», nuance-t-il.

Cette révision de la Constitution intervient quelques jours après la dissolution par le président Bouteflika du Département du Renseignement et des Services (DRS), considéré comme un «Etat dans l’Etat». Il est remplacé par de nouvelles structures directement placées sous l’autorité de la Présidence, qui s’affirme ainsi comme le centre névralgique du pouvoir.