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Le Dr Ahmed Rouadjia (A. R.), Maître de Conférences en science politique à l'Université de Versailles (France), Maître de Conférences à l’Université de Msila et directeur du Laboratoire de Recherche d’histoire de sociologie et des changements sociaux et économiques; dans une entrevue pour Russia Today.

Q. : En décembre, le général Khalifa Haftar, chef de l'autoproclamée Armée nationale libyenne et allié du parlement de Tobrouk - rival du Gouvernement d’union nationale (GNA) soutenu par l'ONU - rencontrait le Premier ministre Abdelkader Sellal pour discuter d'une coopération militaire contre Daesh en Libye. Une visite similaire avait eu lieu à Moscou. Il y a aujourd'hui des rumeurs d'un plan entre l'Algérie, le général Haftar et la Russie sur la question libyenne. Peuvent-elles être fondées?

A. R. : Je pense que oui. L'Algérie a tout intérêt à ce que la stabilité règne sur ses frontières. Le pays se considère comme une puissance qui constitue un tampon entre l'Europe et l'Afrique. Elle a donc intérêt à assurer elle-même sa sécurité à sa frontière sud. Elle a de grandes craintes face à la menace des groupes armés comme Daesh à ses frontières, mais également des craintes sur une possible déstabilisation politique chez ses voisins africains qui pourrait avoir des répercussions très graves sur son sol. L'Algérie ne pourrait donc que soutenir un plan russe sur la situation libyenne afin d'assurer sa propre sécurité. Mais je crois que les Russes auront bien plus besoin du soutien algérien en Libye que l'inverse.


Q. : Pourquoi pensez-vous que la Russie aurait plus d'intérêts dans cette coopération en Libye que l'Algérie?

A. R. : Il y a des intérêts historiques qui remontent de l'époque de la guerre froide entre les deux pays. Depuis, les relations entre l'Algérie et la Russie sont restées plutôt bonnes. Malgré les frictions au niveau international, la position d'Alger envers Moscou ne change pas. Il y a une coopération militaire de longue date. Les deux pays se connaissent bien. L'Algérie n'a pas de passé conflictuel ou passionnel avec la Russie. C'est donc un ami de poids et de long-terme dans la région pour la Russie. L'Algérie choisira toujours la position qui profitera à sa propre sécurité. En cas de conflit diplomatique, elle voudra trouver la position médiane.


Q. : Le général Haftar est-il vu en Algérie comme un acteur primordial pour régler la crise libyenne au détriment du GNA?

A. R. : C'est très difficile à dire car traditionnellement l'Algérie n'interfère pas tellement dans la politique de ses voisins. C'est seulement lorsqu'elle est directement sollicitée qu'elle prend des décisions. Mais ses décisions sont toujours prises en fonction des intérêts du pays. Dans tous les cas, l'Algérie n'a pas intérêt à une déstabilisation de la région. Elle choisira le camp de celui qui pourra au mieux amener une pacification.


Q. : Dans le cas d'un conflit entre la communauté internationale qui soutient le GNA et la Russie du côté du général Haftar, quelle position prendrait l'Algérie à votre avis? Soutiendrait-elle Moscou aux risques de s'attirer les foudres des pays occidentaux?

A. R. : Aux vues de la mentalité des politiques algériens, je pense qu'ils chercheront un compromis sans se retrouver inféodé à l'un ou l'autre camp. L'Algérie choisira toujours la position qui profitera à sa propre sécurité. En cas de conflit diplomatique, elle voudra trouver la position médiane. Le pays ne cherchera pas à pencher pour un des deux camps, elle choisira sa position à elle. Il faut comprendre que pour régler la situation libyenne, l'Algérie est un acteur incontournable du fait de sa grande connaissance de la région et des tribus locales. Sans oublier sa puissance militaire qui peut servir à combattre les groupes terroristes. Mais c'est aussi un pays où le sentiment national est très fort. La population est assez homogène. Les Algériens, dans leur écrasante majorité, sont très attachés à l'Etat-nation. Son nationalisme a été construit en réaction à la France. Il y a donc un certain jacobinisme qui fait que le pays ira toujours à son avantage, à sa sécurité et à son unité nationale avant les intérêts diplomatiques.



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