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Mohamed Tamalt, qui possédait la double nationalité algérienne et britannique, vivait au Royaume-Uni depuis 2002 et y avait créé un journal en ligne dans lequel il critiquait le pouvoir.

C’est de retour en Algérie qu’il a été arrêté, le 28 juin dernier, près du domicile de ses parents, et accusé d’avoir porté atteinte aux symboles de l’État et au président Bouteflika. Un juge d’instruction a ordonné sa détention pour offense au président de la République et diffamation envers tout corps constitué ou toute autre institution publique.

Tous les indices laissent croire qu’il est mort des suites d’une grève de la faim mal gérée par les systèmes de justice et politique. Ce n’est pourtant pas les occasions qui ont manqué au gouvernement de corriger le tir. Amnesty International avait exhorté les autorités algériennes à le libérer immédiatement sans condition et à veiller à ce que sa condamnation soit annulée. Cet organisme estime que les actions en justice visant à protéger la réputation de personnalités publiques doivent relever d’une procédure civile et non pénale.

Selon la directrice du bureau d’Amnesty International en Algérie, Hassina Oussedik, il y a une augmentation des atteintes à la dignité humaine et une très grande régression des libertés fondamentales. Dans son rapport annuel sur l’état des droits de l’Homme en Algérie, le secrétaire national de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme, Houari Kaddour, décrit aussi une atteinte aux libertés d’expression à travers l’acharnement judiciaire contre les journalistes. Il donne des exemples d’un bâillonnement de ceux qui demandent le respect des droits de la personne et la démocratie. Dans le classement de la liberté de la presse 2016 réalisé par Reporters sans frontières, l’Algérie arrive d’ailleurs à la 129e place sur 180 pays en 2016.

Le pire dans cette mort est que la cour d’Alger avait confirmé en début d’août la peine de deux ans de détention fermes et une amende de 200.000 DZD prononcée contre Mohamed Tamalt. La Constitution, modifiée le 7 mars dernier, est pourtant censée garantir le droit à la liberté d’expression. Mais contrairement à ce que cette loi affirme, la liberté des médias est actuellement restreinte par la censure. Même si ces infractions ne prévoient pas de peines de prison, mais seulement des amendes, le tribunal avait d’ailleurs ordonné la détention provisoire du journaliste.

Le 4 juillet, le tribunal avait même rejeté sa demande de libération sous caution. D’autres prisonniers politiques et défenseurs des droits de l’Homme comme Kameleddine Fekhar, Hassen Bouras, Tidjani Ben Derradj et Adel Ayachi ont aussi goûté au système de justice, et des dizaines d’autres sont traînés en justice. En Algérie, des poursuites pénales continuent d’être ouvertes contre les défenseurs des droits de la personne qui s’expriment sur la situation de ces droits. L’État considère la protection des droits de l’Homme comme une activité subversive.

Au fond de cette affaire se trouve le manque d’indépendance de la justice par rapport au pouvoir politique. Amnesty International veut d’ailleurs une enquête indépendante, approfondie et transparente sur les circonstances de la mort de Mohamed Tamalt. Ce décès est un élément de poids dans le dossier des infractions aux droits de l’Homme en Algérie.

Avoir laissé mourir en prison Mohamed Tamalt pour avoir écrit un banal blogue sur Internet est un comble qui marque la véritable position politique du gouvernement. Le culte de la personnalité de Bouteflika obnubile tout le système judiciaire. Bouteflika, qui inaugurait comme si de rien n’était, le 11 décembre, une partie de la ville de Sidi Abdellah et la nouvelle ligne ferroviaire Birtouta-Zeralda.

Quand les livres d’histoire parleront de Mohamed Tamalt, ils ne pourront que constater qu’il a été une victime innocente d’un gouvernement qui pousse le dénigrement des droits de la personne très loin au-delà de ses limites acceptables.