Tous les jours, les manifestants anti-gaz de schiste battent le pavé scandant «ni politique, ni hypocrisie, le peuple est éveillé» ou simplement «non au gaz de schiste».

Citoyens, militants, associations… près de 4000 personnes sont descendues dans la rue sachant que les rassemblements sont formellement interdits par la loi.

Jusqu’à présent, la mobilisation restait limitée: en 2012, une pétition en ligne avait été lancée «contre le lancement du premier forage de gaz de schiste dans le bassin de l’Ahnet». Elle compte 1 440 signataires.

Face à cette mobilisation croissante, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, est sorti de son silence. Il s’est exprimé, arguant qu’il n’était question, pour l’heure, que d’expérimentations s’étalant sur plusieurs années. «La question d’exploiter ou non le gaz de schiste sera tranchée à l’horizon 2020, en fonction des technologies disponibles à ce moment-là», a-t-il déclaré à la presse. Se voulant rassurant, il a par ailleurs précisé que «les forages actuels ne représentent aucun danger pour l’environnement ni pour la santé» et que «les mesures nécessaires ont été prises pour le respect des critères de sécurité».

Sa déclaration, et les précédentes prises de parole apaisantes du ministre de l’Energie, Youcef Yousfi, ne suffisent cependant pas à rassurer. Les opposants réclament un moratoire pur et simple sur les forages réalisés par la Sonatrach.

pas-de-gaz-de-schiste.jpgLes opposants dénoncent surtout le gaspillage et la pollution des nappes phréatiques. Pour extraire du gaz de schiste, la fracturation hydraulique est indispensable. Or celle-ci nécessite de grandes quantités d’eau (entre 15 000 et 20 000 m3 par puits). Dans cette zone qui vit une situation de stress hydrique permanent, la survie dépend exclusivement des eaux souterraines. D’autre part, ils pointent l’usage de produits chimiques qui, en plus de polluer les eaux, impactent la faune et la flore, et l’agriculture de manière plus générale.

Sur l’impact écologique, les responsables de la Sonatrach n’ont pas manqué de réagir. Et expliquent que «toutes les mesures de précaution» auraient été prises durant les expérimentations et que la technique de fracturation hydraulique, importée des Etats-Unis, est «totalement maîtrisée».

Le gouvernement ne s’attendait pas à faire face, un jour, à un tel vent de protestation. Pour les autorités et les entreprises d’hydrocarbures, l’exploitation du gaz de schiste représente l’occasion de conquérir un nouveau marché. Avec 4 940 trillions de pieds cubes de réserves de gaz de schiste dont 740 trillions de pieds cubes sont récupérables, l’Algérie se place au 4e rang mondial de ressources récupérables, selon des évaluations réalisées par Sonatrach avec des compagnies pétrolières internationales.


Par A. Chettouf