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Sadia, une femme de 66 ans s'est présentée aux urgences de l’hôpital Mustapha Bacha à Alger suite à une chute. Une histoire banale qui s'est bien terminée. Mais qu'est ce qui a causé cette chute? Sadia s’était rendue sur sa terrasse pour étendre son linge, quand soudainement, elle est bousculée par un gros oiseau blanc et gris. Sadia, s'est sans doute trop rapprochée d'un nid de goéland leucophée, et l'occupant n'a fait que défendre son territoire.

Il faut noter que le goéland leucophée, qui s’est approprié les hauts immeubles et les terrasses, peut être résolument agressif envers les humains, en particulier pendant la saison de nidification, entre la mi-Mars et début mai.

Depuis les premières observations faites à Alger dans les années 1980, les craintes des spécialistes à propos des goélands leucophée se sont précisées. Le Tchoutchou Maleh, gros oiseau omnivore, est-t-il devenu une espèce invasive?

goeland_evolution.jpg Goélands leucophée de moins de 12 mois, de 24 mois et à l'âge adulte (plus de 4 ans).

De la famille des laridés, le goéland leucophée a une allure fière et robuste, une forte poitrine et de longues pattes orangé vif. Sa tête est plutôt carrée, blanche, avec des stries très fines allant de l'œil à l'arrière de la calotte. En hiver, la plupart ont la tête blanche. Son bec est plus court et plus épais que celui des autres goélands, souvent jaune orangé vif avec une tache rouge sur la partie inférieure débordant souvent sur la mandibule supérieure. L'œil est jaune-gris mat ou jaune-citron vif. Le cercle orbital est rouge. Le plumage du manteau est gris moyen. Le goéland leucophée a du noir aux primaires externes et de petits miroirs blancs apparents au bout des ailes. Les immatures obtiennent leur plumage d'adulte au bout de 4 ans. Le 1er hiver a le manteau entièrement taché de brun et l'iris est sombre. Le 2ème hiver a 20 à 80% de plumes grises avec l'iris clair. Sa grande capacité d’adaptation a favorisé sa multiplication. Prédateur, charognard mais surtout opportuniste, le goéland leucophée a diversifié son régime alimentaire et largement profité des ressources à sa disposition: les décharges publiques. D'après une étude de Lebreton-France, le taux annuel de croissance des populations en méditerranée, atteindrait aujourd’hui 10 %, avec un taux de survie des oiseaux adultes de 90 %.

Dans l’agglomération algéroise, une étude a recensé plus de 150 nids. Un chiffre qui ne reflète pas la réalité car les nids de cette espèce sont très difficiles à localiser, souligne Nawel Derradji, doctorante en écologie animale à l’université de Bab Ezzouar à Alger.

Grahame Madge, de la société royale d’Angleterre pour la protection des oiseaux (RSPB), explique le phénomène de la colonisation des villes: «Les bâtiments ressemblent à des falaises, le lieu naturel pour la nidification. Il y a beaucoup de nourriture disponible, en particulier proche des lieux de restauration. Les goélands, qui ne craignent pas l'homme, sont rapides, de nature voleurs et ont vite appris à picorer des sacs à poubelles».

Cette explosion démographique menacerait d’autres espèces telles que le chardonneret et le moineau de ville. Bien que les phénomènes de prédation soient isolés, les naturalistes ont observé que les goélands colonisaient les sites les plus favorables à la nidification, forçant à l’exil d’autres espèces plus fragiles. Ces craintes sont renforcées par l’échec des mesures entreprises en Italie pour réguler et limiter les populations du goéland leucophée à Rome.

goeland_leucophee_pigeon.jpg Un goéland leucophée tue un pigeon

Un nouveau phénomène à Alger a aussi été observé à Rome: la diminution de la population de moineaux et d'oiseaux migrateurs telles que les hirondelles. Des spécialistes italiens ont observé que l'augmentation du nombre de goélands leucophée à Rome coïncidait avec la diminution de la population de moineaux, ou d'hirondelles, bien qu'il n'y ait aucune preuve suggérant que les deux sont reliés. Selon les études de Fraticelli, les moineaux de Rome ont été en baisse à cause d'une forte concurrence avec une espèce plus imposante.

Le déplacement des populations de goélands leucophée, s'explique par le manque de poissons en haute mer et le rejet des abats des chalutiers ou d'usines de transformation de fruits de mer aux ports, des lieux aux portes des grandes villes. Mais «les populations des goélands qui nichent en zones urbaines ne dépassent pas celles qui vivent dans leurs habitats naturels» précise Grahame Madge de la RSPB.

Le professeur Moulai, écologue à l'université d'Alger, estime que le goéland leucophée n’a aucun impact positif en milieu urbain, il «sera de plus en plus présent en ville» et la gestion de sa surpopulation sera problématique.

Pour Aïcha, une algéroise qui cohabite depuis trois ans avec un couple de goélands, ces volatiles «mangent tous les restes» donc «pas besoin de poubelle».