presidence-algerie.jpg
La 35e réunion des ministres arabes de l'Intérieur a tourné, une nouvelle fois, au règlement de comptes. La rencontre annuelle qui s'est tenue à Alger s'est transformée en caisse de résonance des crises internes et régionales au Moyen-Orient. Prenant la parole devant ses pairs, Abdelaziz Al Saoud, le ministre saoudien de l'Intérieur, a considéré que «L'ingérence notoire de l'Iran dans les affaires de plusieurs pays, notamment arabes, son soutien au terrorisme et ses tentatives de déstabilisation et de discorde à travers ses bras terroristes et extrémistes devraient être considérés comme un danger qu'il nous faut affronter.»

Une intervention boycottée par la délégation qatarie, qui a quitté la salle, alors que se succédaient les déclarations hostiles à l'Iran de la part des ministres du Bahreïn et du Yémen.

Alger aura été ainsi le énième théâtre de l'affrontement, impensable il y a peu, qui se joue principalement au sein du Conseil de Coopération du Golfe, dont la dénomination «arabe» ou «persique», n'aura jamais été aussi lourde de sens.

Le 5 juin dernier, l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Bahreïn et l'Égypte, rompaient leurs relations diplomatiques avec le Qatar, en lui imposant un «blocus» décrié par le riche État gazier, et ses principaux soutiens, l'Iran et la Turquie. En cause, le soutien supposé apporté par Doha à des organisations «terroristes», ainsi que ses relations développées avec l'Iran, rival historique de l'Arabie saoudite, les deux s'affrontant par procuration sur nombre de terrains, comme la Syrie et le Yémen.

Néanmoins, rien de tout cela n'a transpiré dans le communiqué final. Le texte s'est contenté d'énoncer, fadement, des principes généraux sur la nécessité de renforcer la coopération entre pays arabes pour lutter contre le terrorisme. On aura même rappelé qu'il fallait «éviter toute allusion politique pouvant porter atteinte à des parties ou des entités associées aux institutions officielles dans leurs pays respectifs. De même qu'il faut éviter de tout toucher aux mouvements de résistance». Sous-entendu, ni l'Iran, ni le Hezbollah, entre autres.

Un communiqué qui se démarque nettement de celui publié à l'issue la 33e édition qui s'est tenue à Tunis, il y a deux ans. En mars 2016, un «Ecce Homo» implacable des ministres arabes de l'Intérieur avait clairement mis en évidence le rôle «néfaste» joué par le Hezbollah, de même qu'il n'avait pas épargné les velléités de «déstabilisation» régionale imputées aux Iraniens. Rien de tel, cette fois-ci à Alger, alors que, paradoxalement, les tensions avec l'Iran se sont bel et bien exacerbées depuis.

Contrairement à l'édition précédente en Tunisie, siège de la structure, l'Algérie a accueilli la réunion en tant que «pays hôte». «Dès lors, Alger a pu disposer d'une marge de manœuvre sur le communiqué final, poser, d'une certaine façon, ses conditions, en accord avec leurs principes», indique une source diplomatique. Chose qui n'avait pas été possible pour les Tunisiens, pour les raisons objectives mentionnées ci-haut. «Dans ce contexte, l'Algérie entend se présenter comme modératrice, forte de son expérience en la matière, mais également de sa doctrine ostensiblement affichée de non-ingérence dans les luttes internes de ses pays frères», a déclaré David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) et rédacteur en chef de la revue Orient Stratégique.

Forte de cette histoire, et de sa doctrine, «la position algérienne à l'égard de l'Iran est moins marquée par l'intransigeance que celle les pétromonarchies du golfe, et même, dans une moindre mesure, d'un pays comme le Maroc», soutient David Rigoulet-Roze.